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Les enjeux de la cyclologistique

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Parmi les possibilités de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre: la cyclo-logistique. Entre capacité, organisation, facilité de mise en place et adéquation aux volumes qui transitent dans les pôles urbains, comment s'organise cette filière logistique spécifique ?

      1. Contexte

Le dernier kilomètre, ultime étape de la livraison est le plus souvent l’étape la plus coûteuse de la chaîne d’approvisionnement. La plus coûteuse financièrement mais aussi écologiquement. Ce constat s’est accentué avec le fort développement du e-Commerce qui a démultiplié de façon exponentielle l’envoi de colis aux quatre coins de France. Selon une étude[1], la logistique du dernier kilomètre représente environ 20 % du trafic urbain, occupe 30 % de la voirie et est à l'origine de 25 % des émissions de gaz à effet de serre.

Le bilan écologique de cette livraison pèse lourd avec plus d’un million de colis livrés par jour en France. Paradoxalement, des solutions existent mais sont encore assez peu connues ou applicables, comme la cyclo-logistique, pour les raisons présentées dans les divers articles que nous vous avons résumés ci-dessous. Du côté des consommateurs, une enquête[2] montre que le grand public serait prêt à se faire livrer moins rapidement (72% des répondants) même si la contrainte du point de relais éloigné du domicile (46% restent intéressés) ou l’impact sur le prix (seulement 34% accepteraient un prix plus élevé) réduit fortement les motivations.

De son côté, le gouvernement français multiplie les initiatives pour encourager ce nouveau type de modalité de livraison qu’est la cyclo-logistique. D’une part avec des aides au financement, des appels d’offres qui vont être amenés à inclure plus systématiquement ce mode de transport. D’autre part en mobilisant les parties prenantes, comme les collectivités locales, les acteurs du transport et le grand public à mieux connaître ce type de véhicules et leurs avantages.

      2. Synthèse AFT

Pour se lancer dans ce mode de livraison, il faut tout d’abord en comprendre les modalités. Il existe de nombreux types de véhicules allant de 2 à 6 roues pour permettre des opérations cargo. Ceux-ci peuvent être accompagnés d’une aide électrique et ont une capacité d’emport allant jusqu’à 200 Kg pour les modèles les plus robustes. Le ratio puissance / capacité de transport est d’ailleurs assez intéressant à comparer avec les fourgons de livraison urbaine. L’ECLF (European Cycle Logistics Federation) fait remarquer que pour une capacité de transport 2 à 3 fois supérieure d’un fourgon par rapport aux vélo-cargos, la puissance maximale est 180 fois supérieure et le poids à vide 30 fois supérieure.

Pour ce qui est des capacités de circulation et des délais de livraison, les vélo-cargos bénéficient d’autres avantages en milieu urbain comme la fluidité de circulation et des contraintes de stationnement quasi-inexistantes. Ils ne sont pas bloqués ou retardés en cas de blocage de la voie par un accident ou trafic dense, et occupent un espace nettement moindre pour l’environnement urbain.

En termes de conditions d’exercice, l’assistance électrique est un véritable plus, mais elle est encore limitée par les capacités des batteries et les besoins de recharge réguliers. Pour ce qui est des livraisons puis retours à vide, cela implique la présence de hubs logistiques de proximité afin de réduire au maximum les temps d’improductivité. La tendance à la fragmentation des envois aux clients, l’ultra-personnalisation des produits, ainsi que les attentes des consommateurs tend à être favorable à ce mode de transport. En revanche, les infrastructures devront être rapidement déployées dans tous les centres urbains, que ce soit pour les points de chargement/déchargement, comme pour les pistes de circulation, pour des raisons de sécurité évidentes.

Financièrement, les vélo-cargos portent d’autres avantages, puisqu’ils sont nettement moins coûteux à l’achat mais également à l’entretien que des utilitaires. L’ADEME a par ailleurs fait évolué le dispositif d’aide à l’acquisition de véhicule électrique pour un montant de 2 500 € par vélo cargo, depuis le mois de juin 2021. Les assurances professionnelles se sont également alignées pour couvrir les opérations des professionnels de la cyclo-logistique. Les achats de vélos-cargos devraient également être éligibles à la prime de reconversion.

Le dispositif ColisActiv[3], financé grâce aux Certificats d’Economie d’Energie, permet de verser aux opérateurs de cyclo-logistique et de livraison verte une prime pouvant aller jusqu’à 2,0€ par colis livrés pour les 500 000 premières livraisons la première année, puis jusqu’à 1,5€ jusqu’à 1,5 million de colis la deuxième années et 0,6€ à partir de 3 millions de colis la troisième année.

Un plan national pour le développement de la cyclo-logistique est donc en pleine construction et cherche désormais l’adhésion des collectivités locales pour travailler sur les aménagements urbains nécessaires, tant pour des aspects pratiques que sécuritaires. Les services numériques, fortement corrélés à la livraison du dernier kilomètre en général et donc à ses opérateurs, sont également au cœur de ce plan.

Selon les associations et acteurs déjà mobilisés sur le volet de la cyclo-logistique, il faudrait encore renforcer l’intérêt des transporteurs pour ce mode et les inciter à envisager à basculer une partie de leur activité sur ce type de véhicule, dès lors que c’est possible. Cela va de pair avec les donneurs d’ordre, qui doivent être incités ou volontaires pour la décarbonation de certains de leurs flux. Enfin, ils invitent les organismes de formation à aborder la cyclo-logistique comme un volet important des possibilités de la logistique urbaine, du premier comme du dernier kilomètre…

      3. Perspectives pour la logistique

L’intégration des impacts environnementaux de notre société dans toutes nos actions et en particulier dans les opérations transport fait partie d’une tendance de fond importante et qui marque les opérations logistiques à tous les niveaux. Les acteurs du transport et notamment de la logistique urbaine sont déjà fortement mobilisés sur ces enjeux et par la recherche de solutions permettant de limiter leur empreinte tout en restant compétitifs et financièrement viables.

La bascule vers de nouveaux types de véhicules n’est pas simple car il faut repenser son organisation, la distribution des flux et réévaluer le ratio entre capacité de transport et délais de livraison. Il est probablement plus simple pour de nouveaux acteurs de s’installer et développer progressivement une activité de cyclo-logistique que pour des opérateurs traditionnels en place de se convertir à ce mode.

Pour autant, deux aspects critiques conditionnent l’avenir d’une cyclo-logistique efficace et en toute sécurité : la mise en place d’infrastructures logistiques urbaines de proximité et des voies de circulation dédiées. Cela rejoint les problématiques des opérateurs transport de la logistique urbaine, qui font face aux mêmes enjeux pour les années à venir, afin de servir toujours davantage de demandes avec la croissance exponentielle de la livraison à domicile en milieu urbain.

La cyclo-logistique n’étant à ce jour absolument pas compétitive sur les zones rurales, à cause du manque de densité de population et des grandes distances à parcourir, il est probable que des prestataires logistiques étudient l’équilibre entre les deux pour envisager l’hybridation de leur parc de véhicules dans les années à venir.

Il ne faut pas écarter cependant la très faible marge opérationnelle générée par les opérations de transport, y compris pour la cyclo-logistique. Tant que les donneurs d’ordre et partenaires de ces prestataires spécialisés de la livraison ne s’intègreront pas pleinement à cette reconversion technologique, qu’elle porte sur le mode de transport ou le choix de motorisation, il sera compliqué pour ces derniers de basculer rapidement vers des transports totalement « verts », comme le souhaitent les pouvoirs publics.

Même si les aides évoluent et que le paysage urbain est repensé, on risque alors d’avoir une démultiplication des acteurs de la livraison, sur les très courtes distances du dernier kilomètre d’un côté (modèle start-up ou service de luxe) et les acteurs de livraison urbaine traditionnels, en approche des agglomérations et l’avant-dernier kilomètre, pour les autres.

Sources

 


[1] Source : Comité d'analyse stratégique du marché international de Rungis

[2] Source : Generix Group

[3] Projet lauréat de l’appel à programme CEE 2019 du Ministère de la transition écologique

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