Environnement et Développement Durable, Logistique
L'hydrogène : appel d'air pour le transport routier ?
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1. Contexte
Le dérèglement climatique est un constat, par consensus scientifique quasi universel à travers le monde, et ses conséquences sont en train de remettre en cause de nombreux usages de nos sociétés. La réflexion portée sur la mobilité n’y échappe pas, et encore moins pour le transport routier de marchandises puisqu’il représente 23,7% des émissions de CO2 du transport routier, dans un secteur d’activité représentant 28,9% des émissions en France[1] (devant les activités agricoles et l’industrie manufacturière / construction).
Une baisse des émissions est donc nécessaire, à tous les niveaux et pour tous les secteurs d’activité. Et cela commence par l’étude des solutions alternatives, notamment des énergies décarbonées pour émettre moins de gaz susceptibles d’aggraver les conditions climatiques (car on pourrait évoquer également les autres gaz à effet de serre, moindres en quantité mais parfois plus impactants).
Parmi les solutions existantes, celle de l’hydrogène qui se présente comme une alternative intéressante et révolutionnaire, puisqu’à l’instar des énergies solaires ou éoliennes, elle n’émettrait alors que de la vapeur d’eau des pots d’échappement. Entre les constructeurs et industriels chargés de sa distribution, et d’autres acteurs qui en analysent les avantages et inconvénients, il reste cependant difficile de savoir quand et à quel niveau cette source et technologie sera performante pour l’activité du transport routier de marchandises… Nous vous proposons donc un tour d’horizon des enjeux exprimés par un certain nombre d’acteurs.
2. Synthèse AFT
L’hydrogène est l’atome le plus petit et le plus abondant de l’univers, notamment présent dans l’eau et la composition du corps humain. Lorsque l’on parle de cette énergie, on parle surtout de « dihydrogène », et paradoxalement il est très difficile de trouver cette source dans la nature, car il faut la transformer en récupérant l’atome d’hydrogène à partir d’autres compositions chimiques. Cette extraction se fait principalement à partir d’énergies fossibles, très émitrices de CO2, pour environ 95% de la production d’hydrogène en France. C’est la raison d’ailleurs pour laquelle on entend parler de différents « types » d’hydrogène :
- Hydrogène « vert » (totalement décarboné) : 5%, via electrolyse de la saumure
- Hydrogène « gris » : 40%, produit par vapo-reformage du méthane (CH4)
- Hydrogène « bleu » : 40%, généré par oxydation d’hydrocarbures (combustibles fossiles)
- Hydrogène « noir » : 15%, produit par gazéification du charbon
Il est principalement utilisé dans l’industrie comme réactif, pour raffiner des carburants, produire de l’ammoniac ou des procédés chimiques. Son autre usage est d’être un vecteur énergétique, soit directement comme carburant.
L’inconvénient principal donc, c’est sa forte empreinte carbone à la production, parmi les plus élevées des sources d’énergie actuelles, mais aussi son coût de production (environ 3 à 4 fois supérieur actuellement que celui des énergies fossiles). Mais il apporte également de nombreux avantages, puisque la pile à combustible permet déjà à des trains et bus de circuler et sont moins lourdes que les batteries de véhicules électriques.
Le rendement de l’hydrogène semble en revanche moins bon que celui de l’électrique, puisqu’il existe deux façons de l’exploiter dans la motorisation :
- soit comme combustible directe dans un moteur thermique à hydrogène, moins performant qu’un moteur électrique,
- soit par transformation en énergie électrique via une pile à combustible, mais avec une déperdition énergétique importante dans le processus.
Un moteur électrique serait notamment 2,3 fois plus efficace qu’un moteur à hydrogène en utilisant la deuxième possibilité.
En termes d’impact carbone, l’hydrogène connaît également quelques risques de fuite dans les processus de transformation, dont le potentiel de réchauffement climatique est encore plus élevé que les émissions de CO2. Il est également hautement inflammable et pour l’instant le développement industriel des véhicules avec ce type de motorisation n’en est qu’à ses balbutiements. Quand bien même il serait produit par électrolyse, qui demande également un fort développement technique et une mise à l’échelle en matière de production, le GIEC ou même des entreprises de consultance spécialisées recommandent plutôt son utilisation dans d’autres secteurs d’activité comme l’industrie (raffinage) ou des modes de transport qui n’auraient pas d’autre possibilité.
Les investissements importants de l’Etat envers cette technologie devraient donc améliorer la productivité et la volumétrie de cette nouvelle source d’énergie, sous l’angle le plus décarboné possible. Il reste donc à suivre si dans les années à venir cela serait suffisant pour le rendre plus compétitif que les autres sources d’énergie, tant sur le plan économique qu’environnemental. Une fois décorrélé du prix du diesel, l’utilisation de l’hydrogène pourrait bien devenir une source d’alimentation décarbonée efficace.
3. Perspectives pour la logistique
S’il y a des choix à faire en matière de transformation du parc de véhicule, le choix de l’hydrogène implique différentes possibilités via la pile à combustible ou la transformation en énergie électrique. Dans les deux cas, l’origine actuelle de l’hydrogène n’étant pas garantie à 100% décarbonée, le coût de fabrication des véhicules neufs (ou le rétrofit) restant relativement élevé, faute d’échelle industrielle nationale et européenne, l’investissement immédiat n’est probablement pas le plus prioritaire.
Surtout qu’il ne représente actuellement que 0,003% des usages énergétiques du transport dans le monde, c’est-à-dire que les stations d’avitaillement ne sont pas encore en place et permettent donc des tournées principalement locales / régionales.
L’électrification directe des véhicules et des opérations logistiques de flux semble donc la solution la plus adaptée et la plus compétitive dans l’immédiat, tant sur le plan économique que l’efficience d’utilisation de l’énergie et l’autonomie (77% d’efficacité globale du puits à la roue, contre 33% pour l’hydrogène). En dehors des évolutions technologiques possibles, on peut aussi envisager les ajustements sociétaux comme la vitesse maximale autorisée, la renationalisation et relocalisation des industries, ou d’autres initiatives, susceptibles de mettre en perspective le rendement énergétique au profit de nouveaux usages ?
Définitions
GIEC : le Groupe d'experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat est un organisme intergouvernemental composé de scientifiques du monde entier, chargé d'évaluer la réalité, les causes et les conséquences du changement climatique en cours.
Sources
- Article Polytechnique insights – L’hydrogène dans les transport : comment s’y préparer
- Synthèse étude Carbone4 – Hydrogène bas-carbone, quels usages pertinents ?
- Article The Shift Project – PTEF Focus sur l’énergie
- Article Mon énergie verte – L’hydrogène est-il une alternative aux énergies fossiles ?
- Article Swiss Info – L’hydrogène, la révolution verte dans le réservoir
- Publication Transport & Environnement – Comment décarboner les transports
[1] Sources : INSEE 2021