Innovation, Logistique, Prospective et innovation
La logistique hospitalière en pleine mutation
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1. Contexte
L’épidémie liée au virus covid-19 affecte l’économie et les capacités sanitaires de chaque pays dans le monde depuis plus d’un an. Et tandis que les politiciens essaient de trouver des solutions pour protéger les populations les plus vulnérables, assurer les stocks de matériels de protection et éviter un effondrement de leurs économies, la crise covid soulève un grand nombre de fragilités dans les systèmes de santé actuels.
Plusieurs articles spécialisés ont commencé à relater les difficultés rencontrées par les systèmes hospitaliers, entre une inadéquation à la crise avec une gestion sans précédent, mais aussi de modes de fonctionnement historiques qui ont progressivement mis en relief une gestion non-optimisée.
A l’heure où les acteurs de la Supply Chain sont en train de construire leurs lettres de noblesse, il est donc particulièrement intéressant de se pencher sur les modèles logistiques hospitaliers actuels et d’identifier les pistes d’améliorations possibles qui leur permettront, dans chaque pays, de sécuriser leurs opérations et faire face dans la durée à cette crise ou celles à venir.
Les articles utilisés ici comme sources mettent en valeur des aspects différents des modèles néerlandais et français, mais qui démontrent d’une évolution générale de la perception du soin et de la fonction des établissements hospitaliers, accompagnée d’une reconnaissance des compétences logistiques qui les appuient.
2. Synthèse AFT
De manière générale, dans les pays développés, on constate un vieillissement des populations, une croissance des dépenses de soin, une pénurie de personnels soignants et une gestion de crise pour la santé publique ou les contraintes environnementales. Selon leur historique propre, les états comme la France y rattachent une identité forte de service public et pendant longtemps la réalisation de ce service devait être assurée « quel qu’en soit le coût ».
Or, avec la croissance des coûts de fonctionnement, l’arrivée de nouvelles technologies, l’augmentation constante du coût de la vie… le besoin de mieux gérer le fonctionnement des hôpitaux a mené à de nombreuses réformes plus ou moins efficaces et le secteur est confronté à des changements profonds.
D’une part, il faut remettre du sens entre les mains des soignants qui se sont retrouvés à réaliser de plus en plus de tâches administratives, d’autre part, valoriser l’appui conséquent que peut apporter une logistique efficace en support à ces professionnels de la santé. Depuis plusieurs années, avec pour objectif de rationaliser les coûts de fonctionnement, la gestion des services et des hôpitaux était confiée à des médecins ou des administrateurs, sans compréhension globale des flux, ou sans compréhension « métier ». Les métiers de la logistique n’étaient que peu connus encore et en plein essor principalement sur le secteur privé, naturellement tourné vers une gestion optimale des coûts pour des raisons de compétitivité.
Les hôpitaux ne sont pas « mis en compétition » mais se doivent d’être rentables et de maîtriser leurs coûts de fonctionnement au regard des besoins de soin et des fonds publics disponibles. De plus, tous les pays n’ont pas, ou plus, la capacité d’assurer une sécurité sociale comme le fait encore la France. Pour que l’accès au soin reste possible pour tous, il devient critique de réduire au maximum les coûts de fonctionnement des unités spécialisées.
Avec la diversification et l’enrichissement des pratiques logistiques modernes, la gestion de la Supply Chain est devenue prépondérante au sein des centres hospitaliers. Les compétences logistiques sont reconnues à divers niveaux et créatrices de valeur : amélioration de la qualité, diminution des coûts de production en amont des actes de soin, etc.
Les solutions numériques et les outils spécialisés autour de la chaîne d’approvisionnement hospitalière se développent et améliorent la connaissance des coûts ou la traçabilité des produits. On rationalise les réassorts, on diminue ou supprime les stocks de sécurité (buffer stocks) tout au long de la chaîne et il est possible désormais d’accompagner aussi le parcours des patients dans un écosystème global où les acteurs sont interconnectés (transferts d’établissement, prêt de matériel, etc).
L’évolution de la logistique hospitalière permet d’ouvrir le champ des possibles en intégrant de nouveaux acteurs depuis la production jusqu’au recyclage ou traitement des déchets médicaux (processus très spécifique et coûteux). Elle sait valoriser ses actions et contribuer à l’assurance des soins de qualité. Les modèles existants ont été remis à plat avec un nouvel angle de vue ; celui des experts en gestion de flux.
La crise covid a révélé un retard important du secteur dans ses outils ou sa gestion par rapport au secteur privé, même ces difficultés étaient déjà revendiquées par le personnel médical depuis plusieurs années. Mais la santé publique pourrait se relever d’autant plus forte que son rôle essentiel dans les années à venir ne laisse aucune marge possible dans le besoin d’y investir et renforcer l’existant.
3.Les améliorations de la logistique moderne
Depuis plusieurs années déjà, la logistique pharmaceutique en Europe tient lieu d’exemple, avec des délais d’approvisionnement des hôpitaux et pharmacie extrêmement performants. Le réseau est dense, il s’appuie sur des acteurs du secteur privé et des stratégies de rentabilité.
Celui des hôpitaux en revanche, pour tout ce qui concerne la gestion des équipements, leur maintenance, les matériels de soin ou d’hygiène, de protection… est resté en dehors de ces logiques d’optimisation globale afin d’assurer avant tout le principe central de « service public ». Or, cela a mené progressivement à une gestion fragmentée par services et par expertises, plutôt que d’encourager une vision d’ensemble de la Supply Chain hospitalière.
Gestion des stocks
Chaque unité médicale se retrouvait alors responsable de son budget, de ses achats et de ses risques de ruptures de matériel, ce qui était inenvisageable. S’en suivait alors la création de multitudes de stocks de sécurité dans tout l’établissement, pas toujours utilisés et avec un coût indirect d’occupation d’espace, de traitement des commandes, de pertes ou vols, etc.
La centralisation de la plupart des opérations logistiques est donc une des premières optimisations vers lesquels se tournent les hôpitaux en Europe. Que ce soient les achats, la gestion des stocks de matériels ou la pharmacie, il faut également accompagner ces mesures de nouvelles pratiques, étant donné qu’une approche en « juste-à-temps » reste essentielle pour ne pas créer de dysfonctionnements en interne.
La rationalisation des approvisionnements
Une conséquence immédiate de la centralisation des opérations logistiques est la capacité pour l’hôpital de formuler des commandes conjointes auprès de différents fournisseurs, voire de revoir l’expression des besoins. Tandis que chaque service pouvait avoir ses préférences en matériels, la définition d’unités de gestion logistique communes incite à la standardisation des modèles dès que leurs usages sont similaires. Ce sont des gains à la commande, à la manipulation, au stockage… et cela limite les erreurs : contrôle des stocks, échanges interservices, etc.
Les partenariats
Cette tendance à la standardisation et une meilleure connaissance des flux de produits, des achats réalisés, permet à l’établissement de mettre à plat sa relation avec ses partenaires principaux. Il est possible de construire des partenariats pour une meilleure collaboration et évolution des produits, tout en gardant la maîtrise des coûts de production. Les hôpitaux ne fonctionnent plus comme des entités isolées mais peuvent externaliser certaines de leurs opérations ou en valoriser d’autres, créant ainsi une offre de soin en réseau avec les entités partenaires.
Les outils et le contrôle
Avec les systèmes d’information spécialisés, la maîtrise de l’information et des coûts de fonctionnement est montée d’un niveau par rapport aux pratiques en place et la fragmentation des services. La centralisation de gestion et des informations permet de meilleurs contrôles et une compréhension globale des flux, du budget et des possibilités d’investir dans de nouveaux équipements ou technologies.
Les produits sont classés sur un référentiel harmonisé pour tous les services, les flux de consommation et de pertes sont connus, les péremptions sont mieux maîtrisées. Des véhicules à guidage automatisé (AGV), des objets connectés et l’utilisation de l’intelligence artificielle pour améliorer la projection des besoins commencent à voir le jour dans cet environnement de travail. L’automatisation d’un certain nombre de tâches est envisagée pour aider le personnel médical à se défaire de ces opérations logistiques et se focaliser sur le soin au patient.
Les conséquences de la transformation numérique n’en sont qu’à leurs débuts dans le secteur hospitalier, mais laissent entrevoir une évolution considérable encore des pratiques actuelles. La difficulté résidera dans la capacité à s’outiller tout en conservant une approche simple de l’ensemble des pratiques d’un secteur déjà complexe, et en préservant « à tout prix » la qualité des prestations de soin.
4. Définitions et concepts
Supply Chain est un terme qui désigne l’ensemble des acteurs de la chaîne d’approvisionnement, qui vont contribuer à la mise à disposition des produits au consommateur/patient final depuis les fournisseurs de matière première. Le secteur industriel y est généralement le maillon le plus important en termes d’orientations stratégiques, pour les caractéristiques de ses produits, la volumétrie et la gamme produits qui sera distribuée via les autres acteurs.
Le « juste-à-temps » est une méthode d'organisation et de gestion de la production consistant à réduire au minimum le temps de passage des produits à travers les différentes étapes de leur élaboration et distribution. Issue du toyotisme, la méthode est connue également sous la dénomination de « flux tendu ».
L’unité de gestion logistique (ou UL) est l’unité de base de stockage et de transport, disposée sur un support ou emballage modulaire (ex. : palette, caisse, conteneur). Ces unités sont manipulées à plusieurs étapes par des opérateurs divers. Plus elle est commune à différents produits, plus elle simplifie les flux de circulation des produits et l’optimisation des espaces comme des coûts de gestion.
Sources
Différents articles issus de la presse numérique française :