Logistique, Nouvelle économie
La logistique : rempart anti-contrebande
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1. Contexte
Vols, dommages, incendies ou abandons de marchandises… le trafic maritime fait rarement parler de lui dans les grands médias mais lorsqu’il le fait, cela fait les gros titres et met en évidence des risques importants voire critiques pour la Supply Chain internationale et ses partenaires. Face à l’organisation toujours plus performante et originale des groupes mafieux, les acteurs publics et privés ne manquent pourtant pas d’imagination ni d’outils pour accroitre les conditions de sécurité et la compétitivité des ports maritimes face aux autres modes de transports ou vis-à-vis d’installations portuaires concurrentes dans la région.
Il s’agit de répondre à des enjeux parfois contradictoires du marché international. Nous vous proposons ainsi un petit tour rapide d’horizon de l’existant et des solutions logistiques en plein déploiement pour répondre à ces enjeux.
2. Synthèse AFT
L’organisation du contrôle aux frontières ne date pas d’hier et a toujours posé d’importantes difficultés aux Etats et leurs ressources dédiées à la régulation. Nous avons des exemples historiques marquants des cartels latinoaméricains, avec l’essor de l’empire de Pablo Escobar, ou de Louis Mandrin en France au 18ème siècle. Le constat vient notamment de la contradiction entre deux objectifs internationaux et politiques :
- Fluidifier les échanges commerciaux et le passage de marchandises, pour éviter la perte de temps, d’argent et de compétitivité face à l’intérêt des grandes entreprises ou des visiteurs / touristes,
- Sécuriser les opérations de dédouanement, qu’il s’agisse de questions fiscales ou d’ordre public face au risque d’actes terroristes ou de contrebande.
Selon TLF (Transport & Logistique de France), 80% des marchandises échangées dans le monde transitent par voie maritime, et concernent 72% des importations française. Ce sont donc des volumes particulièrement importants et des contraintes fortes qu’il faut être capable de contrôler pour ce qui est du fret. Trois éléments spécifiques peuvent faire l’objet d’une fraude :
- La valeur et position tarifaire (calcul des droits et taxes, clarté des déclarations, etc)
- L’origine (respect des accords internationaux et des conséquences pour le commerce extérieur entre nations)
- La quantité (adéquation entre le déclaratif et les produits physiques)
Parmi les solutions exploitées par les réseaux mafieux ou toute personne malintentionnée d’exploiter ce potentiel de fraude, trois mécanismes d’action ont été identifiés et sont repris historiquement (seules la technique et les modalités changent) :
- Passer en contrebande, c’est-à-dire utiliser des réseaux alternatifs que ceux par lesquels passent toutes les marchandises déclarées aux frontières et passant par les circuits logistiques existant
- Faire de fausses déclarations, en utilisant de faux documents ou cachets pour simuler une opération en totale légalité et duper les autorités compétentes,
- Corrompre un fonctionnaire des douanes, voire toute une équipe, qui facilite certaines démarches, détourne l’attention ou exploite les faiblesses d’un système de surveillance en place.
Or, en plus de la rigueur des contrôles nécessaires, il s’agit aussi pour les chargeurs et acteurs économiques traditionnels de maîtriser les coûts d’acheminement, de stockage, d’assurance et de pertes ou vols de leurs marchandises. Cela signifie que les fournisseurs, industriels, ou distributeurs qui assurent les autres maillons de la chaîne d’approvisionnement sont tout aussi soucieux de savoir que les opérations se déroulement bien et sans impact financier non maîtrisé qui soit inputables aux marges par la suite.
Avec la mondialisation et l’extension de l’offre de service aux consommateurs que permet le eCommerce, ce sont non seulement des volumes de produits mais aussi des références qui sont de plus en plus variées, donc complexes, à contrôler. Tout comme pour un inventaire en entrepôt, les équipes douanières se doivent de savoir ce qui se trouve dans les différentes zones portuaires ou en approche.
C’est en cela que les nouvelles technologies sont en train de fournir des outils toujours plus performants de contrôle, de précision mais aussi de capacité en matière de cadence ou de volume de marchandises soumis à inspection.
En installant des caméras à détection thermique ou infrarouge, il est possible de détecter la présence de personnel à proximité de conteneurs ou de zones non autorisées en dehors des personnels habilités. Des systèmes de détection passive de rayonnement, ou par rayons X, permet de contrôler des marchandises sans avoir à ouvrir des contenants, donc de façon plus rapide selon ce que l’on recherche (ex. : produits radioactifs, explosifs, etc).
L’utilisation de l’intelligence artificielle, couplée à des outils de reconnaissance faciale permettent également de surveiller de nombreux endroits du port simultanément pour appuyer des équipes douanières et de sécurité portuaire.
En revanche, malgré toutes ces technologies, les équipes doivent pour autant toujours respecter le cadre légal national ou international, tel que les règles RGPD, respect de la zone maritime de contrôle douanier, obtention des autorisations nécessaires, etc. L’échantillonage reste donc la méthode la plus efficace au vu des quantités qui transitent par les ports, la complexité des contrôles à mener, la grande variété des références, des fournisseurs ou des transporteurs.
3. Les solutions de la logistique
Dans l’envers du décor, il y a toute la traçabilité des Supply Chain, puisque les acteurs économiques cherchent eux-aussi à sécuriser leurs opérations en parallèle des opérations de contrebande. Le vol de marchandises ou leur insécurité liée aux conditions de travail des équipes à bord du navire, des équipes douanières en charge des contrôles, etc. sont tout autant des aspects qu’il faut essayer de traiter pour prévenir la fraude. Ces pertes peuvent avoir une valeur très importante pour les distributeurs ou grandes marques concernées.
Il s’agit donc d’accroître la traçabilité des marchandises à l’aide de log tag, de puces RFID ou autres astuces technologiques, afin de placer tout au long des étapes d’acheminement des contrôles de présence et d’état des marchandises. La contrainte majeure sera dans la mise en place d’un système aussi peu coûteux et efficace que possible, afin de ne pas impacter le prix de vente final.
Couplé aux systèmes d’information et l’automatisation des détections d’incident, cela permet aux logisticiens de se doter de nouveaux outils, voire de nouvelles compétences, pour suivre les marchandises dont ils ont la responsabilité. Le partage de ces données en temps réel et si possible en continu (ex. : couverture satellite, besoin énergétique des systèmes de traçabilité, etc) avec les autres acteurs de la chaîne d’approvisionnement ou des contrôles douaniers permet de réaliser des gains de temps considérables lors des ruptures de charges et contrôles à réaliser.
Plus de transparence et d’automatisation de ces contrôles, ce sont aussi potentiellement moins de contrôles spécifiques puisque les échantillonnages seront fiables et les autorités portuaires peuvent alors se consacrer davantage aux actions de lutte contre la contrebande, qui s’organiseront sur d’autres flux de marchandises dans le port. Les logisticiens ont donc tout intérêt à travailler en transparence auprès des autorités.
Les pouvoirs publics s’intéressent d’ailleurs de plus en plus à l’interopérabilité des plateformes numériques logistiques pour s’associer aux opérations dans une relation public/privé qui renforce la sécurité des marchandises et du territoire, simplifie les démarches et accélère le traitement des contrôles. En revanche, cela fait également apparaître un nouveau risque potentiel, commun à tous les secteurs d’activité : celui de la cyber-criminalité, qui permet de manipuler différemment les données ou de les corrompre, toujours en vue de la contrebande. Ce sont donc de nouveaux profils et compétences qui se mettent en place de chaque côté…
Définitions
RGPD : Règlement Général de Protection des Données. Il s’agit des règles et obligations qui s’appliquent au traitement (automatisé ou non) des données à caractère personnel pour renforcer l’encadrement des pratiques en matière de collecte et d’utilisation des données à caractère personnel. Les « données à caractère personnel » (DCP) sont notamment « toute information se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable ». Cela requiert le consentement des personnes, une transparence de traitement, un droit d’accès pour les personnes et une responsabilisation des entités ou entreprises manipulant ces données.
Log tag : système d’enregistrement électronique de la température et humidité à l’intérieur d’un contenant, tel que les conteneurs maritimes.
RFID : technologie d’identification par radiofréquence, en intégrant une puce dans une étiquette ou un marqueur qui sera automatiquement détecté par une borne ou outil de détection dédié.
Sources
- Article TheConversation.com – Le drame de Beyrouth et la sécurité dans les ports
- Article FAQ Logistique – Les corridors de transport
- Article Legal Doctrine – Moyens de lutte contre la contrebande
- Article Euronews – Des technologies dernier cri pour mieux contrôler le fret aux frontières
- Livre blanc – Le numérique au service de la compétitivité des ports français