Environnement et Développement Durable, Logistique, Prospective et innovation
La palette carbonée de notre consommation
Publié le
1. Contexte
A l’ère d’une toute autre façon de consommer, l’impact environnemental de nos pratiques et options d’achat est devenu aussi important que les secteurs d’activité reconnus comme « polluants ». En effet, chacun d’entre nous, par les choix que nous faisons dans nos habitudes de consommation, encourage le développement de certains secteurs d’activité, ou de certaines pratiques de production. Depuis l’essor du e-Commerce, accéléré par la crise covid-19 de 2020, sont apparus des pratiques commerciales telles que le click & collect, la fast fashion et l’ultra-personnalisation des produits finis pour les personnes souhaitant acquérir un objet unique.
Nous vous proposons dans cette note de nous intéresser aux travaux de l’ADEME, mais aussi de nombreux acteurs soucieux de maîtriser notre empreinte environnementale pour nous projeter dans l’avenir avec des ressources limitées et un écosystème qui reste vivable. Il est désormais possible d’analyser et comprendre en quoi nos choix peuvent avoir un impact plus ou moins fort en termes d’émissions de gaz à effet de serre.
2. Synthèse AFT
Tout consommateur devrait être désormais conscient de deux choses :
- La production industrielle nécessite des ressources et de l’énergie, dont le processus de transformation peut être plus ou moins décarboné selon l’énergie utilisée, la technologie employée et l’optimisation du processus industriel lui-même.
- Les transports sont le segment incontournable de toute chaîne d’approvisionnement et dépend encore massivement des énergies fossiles, faute de technologie déployée à grande échelle et un accès à des énergies vertes suffisant pour les besoins globaux de notre société.
L’arrivée du e-Commerce, et de toutes ses déclinaisons, a créé autour de ces principes une couche importante de complexité pour comprendre ce qui pouvait être plus vertueux ou non. D’un côté, une commande « digitale » rend les choses moins visibles puisque l’on ne prend plus son véhicule, on ne voit plus les magasins ni la masse des produits exposés en rayon. De l’autre, l’offre est telle qu’elle permet des achats internationaux à des milliers de kilomètre de votre ordinateur, puisque tous les partenaires d’une même chaîne d’approvisionnement sont interconnectés et se sont associés pour vous mettre à disposition une gamme de plus en plus grande de produits.
L’autre conséquence de cette expansion de l’offre, ce sont les prestations de livraison qui en découlent, puisque vous pouvez vous faire livrer à domicile, dans un point-relais, voire pré-réserver un produit avant de vous rendre en magasin lors d’un passage à proximité. En plus de cette diversité, il y a la politique des retours ô combien importante pour le consommateur et l’image de marque, qui permet à certains produits de faire quelques allers-retours avant d’être utilisé ou consommé.
Il est possible de travailler sur l’optimisation des processus de fabrication, entre techniques, quantités de matière première, et qualité ou nature de celle-ci. Il est également assez facile de massifier des flux en amont de la phase de distribution, sur des axes intercontinentaux ou pour assurer la mise à disposition de produit du dernier site logistique de la chaîne d’approvisionnement. Même si les modes de transport les plus employés (maritime – 80% du fret mondial, et routier – 88% du fret national) ne sont pas les mieux décarbonés actuellement, malgré tous les efforts portés sur les biocarburants et nouvelles énergies vertes, la massification des flux permet à minima un ratio par colis aussi efficace que possible pour atteindre cette étape de la Supply Chain.
En revanche, c’est au niveau de la distribution désormais que se portent toutes les attentions en matière d’optimisation et de conséquences environnementales. Les géants mondiaux comme Walmart, Amazon et Ali baba ont conquis leurs parts de marché au travers d’une politique centrée sur le client et non la maîtrise et optimisation des flux. Cela signifie donc une offre toujours plus grande, avec des gammes de produits étendues pour un même type de produit, et des conditions de distribution très efficaces, puisque vous pouvez espérer une livraison sous 48 à 72h maximum dans la grande majorité des cas.
Cette stratégie s’accompagne en générale d’une certaine pression opérationnelle en interne (plusieurs crises sociales ces dernières années), une ultra-dépendance aux emballages et à la traçabilité pour suivre de près chaque produit, y compris dans les flux retours. En revanche, elle apporte son lot de solutions, car ce sont des acteurs logistiques plus importants, qui disposent d’une capacité d’investissement et de recherche.
Les points de vente sont de moins en moins nombreux (en raison de la forte compétitivité apporté par ces acteurs), et les surfaces logistiques sont moindres mais plus conséquentes en termes de surfaces. De nouvelles technologies conçoivent des emballages sur mesure, les algorithmes appuyés de l’intelligence artificielle améliore le prépositionnement des produits pour réduire les stocks et références en entrepôt.
Au niveau de l’acheminement des produits, malgré la complexité que représente le dernier kilomètre, en milieu urbain comme à la campagne, une maîtrise poussée des informations sur le consommateur permet de mieux gérer les tournées de livraison. Une meilleure connaissance des distances moyennes et conditions de circulation a permis à d’autres modes, plus vertueux, d’émerger ; tels que la cyclo-logistique, ou pour des acteurs du fluvial et ferroviaire de se reconstruire une image de service et de fiabilité pour rapprocher les produits des centres urbains.
La problématique principale semble donc être que nos chaînes d’approvisionnement modernes sont à la fois trop envahissantes par leur offre globale de produits et services, mais aussi très performantes dans une gestion des données jamais égalées pour poursuivre l’optimisation des flux jusqu’au dernier kilomètre. Des efforts considérables sont encore à fournir, mais comme le montre l’étude, l’étape la plus importante de maîtrise d’une empreinte carbone de livraison se joue ailleurs…
3. La dernière étape est-elle logistique ?
En effet, cette étude très intéressante de l’ADEME que nous vous recommandons si vous trouvez le temps de la lire en détails (cf lien ci-dessous) permet de mettre en évidence les multiples « situations de consommation » du dernier kilomètre. Sous forme de scénarios, il est alors possible de comparer où se trouvent les impacts carbone de la mobilité.
Qu’il s’agisse d’un déplacement du particulier jusqu’au point de vente ou récupération du colis, du distributeur pour approvisionner ses magasins ou du logisticien qui assure les tournées de livraison (tous modes confondus) selon les conditions client, les équipes de l'ADEME ont reconstitué toutes les formes d’achat qui relatent le transfert d’un produit entre son dernier site logistique et le client final. Cette approche permet de garder aussi la comparaison du gain potentiel réalisé en termes de mobilité entre l’entrepôt qui dessert plusieurs magasins et celui qui assure la livraison à ses clients finaux directement.
On constate alors, pour chacun des « trajets type » reconstitués, que ce sont bien les cas où le consommateur doit se déplacer individuellement qui sont les plus impactants pour les gaz à effet de serre. L’autre cas de figure le plus dommageable pour l’environnement serait un achat en mode « express » qui nécessite l’envoi par fret aérien des produits.
Les modalités de livraison du dernier kilomètre les plus impactantes en CO2 sont celles où le consommateur se déplace individuellement jusqu'au produit qu'il souhaite acquérir.
Au global, parmi les différentes combinaisons possibles, on peut ainsi reconstituer un impact nettement supérieur en France pour un achat réalisé via un commerce physique par rapport à une commande en ligne. Dans le cas d’achat non-alimentaire, en tenant compte des emballages ou de l’énergie consommée par les bâtiments, le ratio serait 1,5 fois plus grand lors d’un achat en magasin. Cet écart est d’ailleurs plus vertueux dans notre pays que dans le reste de l’Europe à cause du mix énergétique. L’électricité étant très décarbonée grâce aux centrales nucléaires, comparativement à l’Allemagne dont la différence se situe sur un ratio 2,9 fois supérieur (en raison de ses centrales à charbon).
Pour autant, ces impacts environnementaux restent très importants rapportés à la population totale du pays, avec un impact social conséquent sur l’emploi dans tous les petits commerces de proximité. C’est pour cela que les recommandations de l’ADEME sont d’ailleurs fort utiles à relayer pour encourager des comportements citoyens toujours plus vertueux :
- Toute distance pouvant être faite à pied doit être encouragée pour faire ses achats,
- L’utilisation de modes décarbonés, lorsque possible, permet de couvrir des distances un peu plus importantes toujours dans cet objectif,
- Privilégier le groupement de ses achats en ligne, pour éviter une démultiplication des trajets pour l’opérateur de transport,
- Demander une récupération en point colis plutôt qu’une livraison à domicile permet aussi une tournée de livraison optimale puisque le livreur pourra déposer de grandes quantités de colis en un point au lieu de servir chacun des clients individuellement,
- Eviter les retours, en s’assurant de collecter toutes les informations nécessaires en amont de l’achat et non dans une optique d’essayage massif (facilité par la politique de gestion des retours du vendeur),
- Partager au maximum toute information concernant le lieu et horaire de livraison, coordonnées de contact, pour éviter des déplacements inutiles d’un livreur qui devra repasser plusieurs fois.
Il y a donc encore beaucoup d’efforts à fournir de part et d’autres pour une économie plus durable, mais ces nouvelles données et une bonne connaissance des pratiques nous permet de nous améliorer progressivement… A suivre donc.
Sources
- Podcast Notre-environnement – Achat en ligne ou en magasin ? La question du bilan carbone
- Article ADEME – E-Commerce : un outil pour évaluer et réduire l’impact environnemental de la logistique, des transports et des déplacements
- Blog represente.org – La livraison a-t-elle moins d’impact que l’achat en magasin ?
- Etude d’impact Oliver Wyman – Le e-Commerce, une bonne chose pour l’Europe ?
- Article Carbone4 – Le e-Commerce est-il vraiment un élément clef de la décarbonation du transport de marchandises ?
- Blog Greenscale – Pourquoi la livraison à domicile est-elle un problème écologique et social ?