L'avenir de l'écosystème du dernier kilomètre
L'avenir de l'écosystème du dernier kilomètre

Logistique, Prospective et innovation, Transport

Quel futur pour la logistique urbaine du dernier kilomètre ?

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Avec une croissance sans précédent du e-commerce et les progrès technologiques, la livraison du "dernier kilomètre" devrait croître de 78% dans le monde d’ici 2030.

Ce changement fait émerger des inconvénients auxquels les villes doivent faire face : congestion du trafic, augmentation de la pollution sonore et de l’air ainsi que l’encombrement des centres-villes notamment avec le stationnement en double file, en raison de l’augmentation croissante du nombre de véhicules de livraison (Poids-lourds et VUL). Une étude du World Economic Forum tente de chiffrer les conséquences de cette mutation.

Le rapport « The Future of the Last-Mile Ecosystem » (l’avenir de l’écosystème du dernier kilomètre), présente une analyse prospective menée par le Forum Economique Mondial, Mc Kinsey et World Business Council for Sustainable Développement (WBCSD), Leaseplan et plus de 20 partenaires internationaux des secteurs public et privé, fondée sur de nombreuses données, expertises et études de cas, sur l’avenir de l’écosystème de la livraison du dernier kilomètre. L’objectif premier de cette simulation est de fournir une modélisation quantitative pour orienter le débat entre les différents acteurs, encourager les partenariats public-privé et accélérer l’élaboration et la mise en place d’un système solide, efficace et durable. Mais cette mise en place est complexe et pose de nombreuses questions.

 

Les leviers pour réduire les émissions de CO2 et les embouteillages

Si aucune intervention n’est engagée par les acteurs de l’écosystème de la livraison du dernier kilomètre, le nombre de véhicules augmentera de 36 % dans les 100 premières villes du monde d’ici 10 ans, ce qui engendre une augmentation de 32 % des émissions dues au trafic de livraison et 21 % d’augmentation d’embouteillages (+ 11 minutes de temps de trajet quotidien par passager). Le véritable enjeu concerne d’abord le segment du transport de fret qui représente aujourd’hui 85 % des livraisons en kilométrage et les 2/3 des véhicules de livraison dans les métropoles étudiées sont des camions de fret.

Le remplacement d’une partie de ces véhicules par des véhicules alternatifs comme des vélos, des 2 roues électriques, des drones ou des navettes autonomes peut avoir un impact. Mais, les expérimentations déjà réalisées montrent qu’il est impératif d’avoir une adaptation préalable de la réglementation des micro-mobilités et du trafic aérien pour qu’il ait un réel impact.

Pour endiguer ce phénomène, des initiatives ont déjà été mises en place mais sans réelle vision globale.

Ce rapport a évalué 24 leviers d’intervention qui impactent plus ou moins le volume du trafic, la congestion, les émissions de CO2, les nuisances sonores, les coûts de livraison, les besoins d’investissement, la compétitivité et la satisfaction du client. Ces leviers ne sont pas tous au même niveau de priorité ni de maturité (l’optimisation de l’emballage, le recours à des véhicules alternatifs ou à un système combiné de taxis/bus transportant à la fois des biens et des personnes, la mise en place d’une taxe sur la congestion, etc). Même si ce modèle prospectif n’est pas exhaustif, il met en avant les sujets majeurs qui ont émergé lors des ateliers menés dans le cadre du projet. L’objectif de cette initiative n’est pas de proposer une solution miracle, mais de donner des pistes de réflexion sur lesquelles travailler pour que les acteurs publics et privés y trouvent un intérêt. Ceux-ci doivent s’associer pour accélérer le déploiement des expérimentations « pilote ». Mais, pour que tous en retirent des avantages importants, ils doivent élaborer des règles et normes communes (au niveau national et international), un partage efficace des données (plateformes de discussion, forums) afin de ne pas se faire disrupter par un nouvel acteur.

 

Immédiateté et densité : deux facteurs aggravants

Les villes connaissent une urbanisation accrue sans précédent et la population mondiale urbaine en 2030 devrait dépasser les 5 milliards de personnes. Les experts en mobilité soutiennent que le facteur limitant le développement de la mobilité urbaine sera le manque d’espace plus que le coût pour y accéder. Plus la densité urbaine augmente, plus la congestion croît de manière exponentielle : en 10 ans, le taux d’embouteillage dans des villes comme New-York, Chicago ou Los Angeles a grimpé de 20 à 35 %. De plus, pour répondre aux attentes des clients toujours plus exigeants, les livraisons le jour même, voire dans l’heure suivante, deviennent la norme, même si en Europe, elles ne représentent à ce jour que 5 % du total des livraisons.

Les leviers d’intervention reposent sur une réglementation de l’utilisation du véhicule électrique (VUL ou 2 roues) en centre-ville plus ou moins coercitive, sur le recours à la livraison de nuit (ou en dehors des heures de travail), l’entreposage sur des plateformes collaboratives à l’entrée des villes (Internet physique), des espaces de vente partagés ou la mutualisation des chaînes d’approvisionnement et l’implantation de consignes de dépôt/retrait de colis multimarques. Par exemple, le taux de pénétration des véhicules électriques dans les centres-villes pourrait être compris entre 40 % et 100 % d’ici 2030, en fonction des scénarios et de la mise en place d’une réglementation plus ou moins volontariste. L’installation de casiers de consigne pourrait réduire les frais de livraison de 12 à 2 % et les embouteillages de 18 à 5 %. La diminution des émissions de CO2 et de la congestion dans les villes d’ici 2030 devrait réduire de 30 % par rapport à un scénario n’envisageant aucune intervention.

 

Une action à mener dès à présent

L’évaluation de l’impact de la croissance des livraisons urbaines s’est appuyée sur l’analyse de données de différentes métropoles comme Los Angeles, Chicago, Singapour, Amsterdam, Paris et Londres en les distinguant en 2 catégories de modèles de ville :

  • une ville qui s’étale avec une banlieue/périphérie tentaculaire (Los Angeles)
  • une zone métropolitaine avec un centre dense (Londres et Singapour).

La modélisation sur laquelle repose le rapport intègre également 3 facteurs importants : les « 3 P », People – Planet – Profit (les gens, la planète, le profit).

Le véritable défi de la livraison du dernier kilomètre est de comprendre les interactions entre les différentes actions et la combinaison la plus efficace avec d’autres actions pour créer un juste équilibre qui convienne à tous (acteurs publics, privés et clients) et leur permettre de travailler ensemble. Cet équilibre permettra d’obtenir un résultat positif et durable pour les « 3 P ».       

En conclusion, le rapport recommande une action dès à présent des pouvoirs publics et des entreprises qui doivent travailler en collaboration étroite à la mise en place de solutions tangibles pour une transition efficace d’ici à 3 ans et ainsi répartir la charge de solutions lourdes à mettre en place. Si rien n’est fait immédiatement, les villes risquent de rencontrer de graves problèmes dès 2021. Des actions peuvent être menées dès à présent quelle que soit la taille de la ville, toutes les expérimentations seront riches d’enseignement.