Actions Pédagogiques, Environnement et Développement Durable
Devenir acteur d’une Green Supply Chain
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1. Contexte
Les démarches pour verdir le parc de véhicule des transporteurs, réduire l’impact logistique des entrepôts à proximité des villes, optimiser le nombre de véhicules qui transitent dans nos villes… sont nombreuses. Pourtant, il reste encore énormément à faire et le secteur garde une image négative et connotée par le grand public, restant perçu comme une source de pollution importante. Entre une croissance grandissante de la consommation à distance, via le développement du e-Commerce, le besoin de survie dans un environnement particulièrement compétitif et des règlementations de plus en plus restrictives pour agir sur le changement climatique, les acteurs de la logistique et du transport ont du mal à se positionner sur tous les fronts.
Toutes les études et projets que l’AFT a accompagnés ces dernières années le démontrent : les acteurs du transport et de la logistique sont très fortement impliqués dans des démarches d’amélioration continue et de limitations de leur impact sur l’environnement. Cependant, la compétition est très forte, ils dépendent des instructions de leurs donneurs d’ordre et de marges commerciales limitées, et se retrouvent dans une situation intermédiaire pas toujours évidente à assurer : influencer leurs clients, innover et apporter des solutions « vertes », sans mettre en danger leur capacité opérationnelle.
Parmi les plus gros acteurs logistiques du marché, certains se sont structurés autour de véritables départements logistique, Supply Chain et même RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises). Cela signifie disposer d’une capacité budgétaire de grand groupe et d’une volonté politique interne d’adresser le sujet du développement durable en tant qu’avantage compétitif. Il leur est ainsi possible aujourd’hui de partager leurs pratiques, leurs recommandations, leurs leçons apprises… pour l’ensemble de la profession.
En opposition à ces acteurs, 96% des entreprises de transport en France sont des TPE/PME et ne disposent donc que difficilement de temps et de moyens à investir. Le remplacement d’un camion est une décision stratégique qu’il faut mettre en place au moment le plus opportun pour les activités, sans risquer de perdre des parts de marché ou des clients.
Le partage et la communication autour des pratiques vertueuses des spécialistes logistique et transport ont donc plusieurs objectifs :
- embarquer l’ensemble de la profession dans ces pratiques vertueuses,
- démontrer ce qu’il est possible de faire à différentes échelles,
- et influencer également la vitesse avec laquelle les règlementations évoluent.
Ces règlementations, en étant trop restrictives et trop rapides, risqueraient de bloquer l’ensemble de l’économie puisque le maillon des transports lui est essentiel. Ni les technologies ni les transporteurs ne sont actuellement prêts pour une utilisation massive de véhicules électriques sur le territoire par exemple.
2. Synthèse AFT
Dans les tendances actuelles de société, la démarche RSE est en train de prendre une place très importante. En effet, sans être certifiante ni labellisante à ce stade, il s’agit d’une démarche volontaire des entreprises pour s’inscrire dans une approche qui équilibre la pérennité économique, les conditions sociales d’exercice et l’impact environnemental.
Ces trois piliers sont particulièrement fondateurs pour les métiers du transport et de la logistique quand on considère :
- qu’il s’agit d’un secteur qui emploie 10% de la population active en France,
- qu’il est également le plus touché par les arrêts de travail et les problématiques de TMS (troubles musculosquelettiques),
- qu’il fait partie du maillon réalisant le moins de marge sur l’ensemble de la Supply Chain avec 1,5 à 2% en moyenne sur la partie transport.
Parvenir à investir dans de nouveaux outils et équipements, modifier ses pratiques, protéger ses salariés tout en tenant compte des attentes client, est le formidable défi que rencontrent ces entreprises actuellement. Et c’est dans la difficulté qu’émergent les plus intéressantes innovations, puisque les professionnels de la logistique redoublent d’efforts pour optimiser leurs flux, leurs prestations, et retarder la conversion de leurs outils pour sélectionner ceux qui auraient démontré de leur maturité et leur adéquation aux besoins.
En effet, se lancer dans le camion électrique dès la sortie du premier modèle aurait été un non-sens pour la profession : pas suffisamment de bornes d’avitaillement autour des lieux de tournée, sans prestataires de maintenance spécialisé dans la région, sans possibilité de faire de l’inter-régions, etc. Ce constat est assez similaire sur les outils informatiques, puisque les entreprises de petite taille entretiennent d’excellentes relations humaines, en direct avec leurs clients. L’investissement dans un outil informatique, éventuellement connecté, aurait été contre-productif et source de coûts davantage que de bénéfices (temps de formation et d’appropriation, formation du personnel, pas de massification des opérations, etc.).
Les paramètres ont cependant évolué, puisque le e-Commerce a redistribué les cartes et les consommateurs finaux sont ultra-connectés. Ils commandent plus vite, évaluent et notent la performance de service, et souhaitent connaître en temps quasi-réel la géolocalisation des produits en train de leur être livrés. Ils peuvent même retourner leurs produits achetés, pour des sommes très modiques (pour des raisons commerciales), et tout cela a généré de nouveaux volumes et de nouveaux flux pour les logisticiens.
Au final, l’objectif des entreprises de ce secteur à s’investir et se convertir à la « Green Supply Chain », c’est simplement la suite logique de l’évolution de leurs services, au service d’une performance globale et qui englobe l’environnement dans les bénéfices recherchés. La compétitivité et la différenciation des acteurs doit désormais se faire dans une optimisation des flux qui dépasse leur seul périmètre. Depuis la conception du produit et de ses conditionnements, jusqu’à sa destruction ou recyclage, les acteurs logistique et transport sont très concernés par le cycle de vie du produit.
La taille et la composition de chaque élément impactent la manière dont ils sont déplacés, que ce soit vers un site de production, de vente ou de transformation. Par conséquent, les moyens logistiques mis en œuvre sont différents. Etant donné que les économies d’échelles se font sur la standardisation des processus ou la massification des flux, la proactivité de ces acteurs et la volonté à travailler le plus en amont possible de la prestation de service demandée, devient un gage de qualité et permet de renforcer l’impact vertueux de leur action.
De plus en plus d’entreprises du secteur l’ont compris. Au-delà de la création du référentiel de RSE logistique en 2018 par le ministère de la transition écologique et le ministère de l’économie et des finances, près de 83% des professionnels[1] auraient indiqué vouloir mettre en place une politique RSE dans leur entreprise. Cette motivation n’est donc pas un simple phénomène de mode mais englobe une réalité très opérationnelle : la compétitivité des Supply Chain et de tous leurs acteurs passe par une réutilisation des ressources, non illimitées.
La démarche RSE et la Green Supply Chain, sont des angles stratégiques forts puisqu’ils accompagnent une visibilité marketing, une capacité opérationnelle plus performante encore que l’existant, mais renforcent également l’image de marque des entreprises. Les salariés se sentent investis de ces nouvelles valeurs, voient les impacts sur leur poste de travail au quotidien et perçoivent le renforcement économique de leur entreprise.
3. Perspectives pour la logistique
Pour les acteurs logistique et transport, cela représente une palette étendue et complexe d’actions et d’investissements à réaliser. Ce qui semble certain, c’est que la règlementation est en train de se poser et que les interdictions arrivent « demain » en ce qui concerne les choix technologiques à exploiter pour garder le droit d’exercer : interdiction des véhicules utilisant du diesel, zones à faible émission, etc.
Jusqu’à présent, travailler sur l’optimisation des processus, investir dans des systèmes d’information permettant l’accès et l’analyse de davantage de données, faisait partie des leviers d’amélioration. Ces optimisations de flux représentent des économies de trajet, donc de consommation de carburant et une réduction de l’impact environnemental. Mais cela n’est plus suffisant. Il faut exploiter les aides de l’état pour la reconversion des parcs de véhicules, il faut former les personnels à devenir multitâches, tout en sécurisant leurs conditions d’exercice, et il faut augmenter l’attractivité des métiers au milieu de ces grands changements puisque la filière souffre d’un défaut d’image et de reconnaissance.
La crise covid a permis de mettre en relief ces professions, et le caractère essentiel qu’elles représentent pour la société. Que ce soit pour l’acheminement des vaccins, des vivres dans les grandes surfaces, ou les produits de grande consommation bloqués par le porte-conteneur Evergreen en Egypte, la logistique au sens large du terme a été mise sur le devant de la scène. Il ne tient plus qu’à ses représentants de démontrer les engagements qu’ils parviennent à tenir, les solutions qu’ils apportent à de nombreux problèmes et les contraintes complexes qu’ils parviennent à surmonter au fil des années.
La « Green Supply Chain », et tout ce qu’elle sous-tend, n’est pas seulement une piste d’évolution pour l’avenir des métiers de la logistique, mais pour la société tout entière. Et au-delà des recommandations, des propositions de méthodes ou de façons de faire, partagées par certains acteurs, il est nécessaire de construire les bons outils, d’engager l’ensemble des salariés et partenaires des acteurs logistiques… et surtout d’obtenir un soutien et investissement politique dans les réflexions de fond.
Le secteur privé a toujours porté l’innovation et les grandes révolutions de société, et les acteurs logistiques (même sans en porter le nom avant les années 2000) sont des rouages clefs pour assurer de la faisabilité de ces innovations, mais celui ou celle qui influencera le plus la nouvelle génération de Supply Chain ne serait-il pas le consommateur final ?
Définitions et concepts
Green Supply Chain : chaîne d’approvisionnement « verte », c’est-à-dire avec un impact sur l’environnement plus faible et vertueux. Cela implique d’avoir une vision d’ensemble de l’empreinte des acteurs qui la compose, une maîtrise et un partage des informations, et de faire des choix stratégiques plus durables.
Sources
- C2RP – Economie verte, les métiers verdissants du transport et de la logistique
- Livre blanc Adameo – La Green Supply Chain
- Stratégies logistique - Référentiel RSE Logistique
[1] Contactés par l’étude d’Adameo.