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Le Pack Rebond et les sites "Clef en main"
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1. Contexte
Tandis que la crise Covid-19, après avoir été sanitaire, est en train d’affecter profondément l’économie mondiale, le gouvernement français a amorcé le 20 juillet un « pack rebond ». Ce dispositif s’inscrit dans le cadre du plan de relance économique du pays annoncé par le président Emmanuel Macron.
Il englobe 4 objectifs pour accompagner la relance de l’appareil industriel français :
- Attirer de nouveaux investissements et relocaliser la production française
- Expérimenter des sites pilotes pour la transition industrielle et écologique
- Préserver les savoir-faire et développer les compétences
- Accélérer les projets des collectivités et des industriels.
Or, pour compléter cette annonce, deux mesures phares ont été annoncées pour accompagner les industriels. La première se concentre sur l’emploi et le recrutement, durement impactés pendant la crise avec la fermeture de nombreux sites, et qui en appelle aux territoires et aux villes pour attirer les jeunes diplômés notamment.
La seconde concerne de près le secteur logistique et transport puisqu’il s’agit de la création de 66 nouveaux sites industriels dits « clefs en main ». Les spécificités de ces sites sont particulièrement importantes pour comprendre en quoi ils dessinent l’activité économique du pays pour les années à venir.
2. Synthèse AFT
La relance économique, ce n’est pas seulement un plan d’investissement. C’est aussi une nouvelle approche des contraintes administratives en place pour accélérer les choses et permettre à l’industrie française de se relancer. Parmi les difficultés qui étaient relatées depuis plusieurs années, y compris par le rapport Hémar-Daher sur les chaînes logistiques, ce sont les délais et autorisations nécessaires à l’implantation qui sont ciblées par la qualification « clefs en main » des nouveaux sites industriels.
Non seulement ils sont répartis sur tout le territoire, mais ils ne nécessiteront désormais plus que 3 mois pour l’obtention d’un permis de construire et 9 mois pour une autorisation environnementale. Et la force de ce projet est qu’elle ne réduit en rien la qualité des sites ou des autorisations, mais elle anticipe toutes les démarches (accès électrique, transport, fouilles archéologiques, etc.) pour préempter des zones où tout nouvel investisseur pourra se projeter, à proximité d’une zone de chalandise identifiée.
L’autre avantage de ce dispositif c’est de devenir des pôles de relocalisation des activités et d’expérimentation pour de nouveaux services et infrastructures. Les territoires sont alors fortement impliqués pour mieux cibler les futurs acteurs industriels et le bassin d’emploi qui y sera créé. Cela permet également d’adapter les parcours de formation sur des compétences spécifiques, ciblées sur les besoins des entreprises.
Du point de vue des investisseurs industriels, cela devrait permettre également un allègement des investissements avec une externalisation partielle. Cela leur assurera surtout la proximité de compétences et un accueil par les populations voisines. Indirectement, ce sont des acteurs logistiques et transports qui devraient pouvoir consolider leurs capacités pour une offre d’autant plus performante.
Pour synthétiser le dossier, ce pack rebond affiche 5 mesures clefs :
- Créer 66 nouveaux sites industriels « clefs en main »
- Implanter en priorité des sites pilotes sur le plan technologique et écologique
- Apporter une aide en ingénierie de relocalisation industrielle
- Créer de nouvelles formations industrielles dans les villes de taille moyenne
- Assurer l’embauche de 1000 volontaires territoriaux dans les territoires industriels.
3. Pour la logistique
A la première lecture, il peut sembler qu’aucune référence n’est faite à l’ensemble de la Supply Chain, c’est-à-dire tous les acteurs qui permettent aux industriels, en amont comme en aval, de fonctionner. Or l’attention des experts de la logistique est essentielle pour la suite de ce dispositif. Ils seront de fait partie prenante puisque les donneurs d’ordre, les produits à l’origine de conception des Supply Chain, vont avoir besoin d’eux.
Pourquoi ?
Tout simplement parce que de nombreux autres rapports antérieurs ou concomitants à ce projet de relance, et notamment la crise Covid, ont révélé la dimension critique d’une logistique efficace, au service à la fois des Supply Chain et des collectivités. Avec la volonté affichée de rechercher des industries innovantes et respectueuses de l’environnement, le ferroviaire ou le fluvial peuvent désormais être affichés comme des options de chargement viables puisque les sites « clefs en main », pré-identifiés par le gouvernement, légitimiseront la massification des flux dès la conception des produits.
Cela devrait permettre, pour les distributeurs et les transporteurs, de mieux dimensionner leur parc et investir plus efficacement sur les conséquences de multimodalité que cela va impliquer dans les années à venir. Le positionnement des infrastructures logistiques lui aussi va certainement être négocié avec les industriels, selon l’espace qui sera alors disponible sur les sites du pack rebond, ou à proximité des villes, avant la préparation et l’éclatement des commandes propre aux consommateurs urbains.
Les aspects innovants recherchés par ces nouveaux sites industriels pourraient également fortement impacter la filière des métiers de la logistique puisque cela pourrait inclure de nouvelles manières d’emballer, charger et manipuler les produits. Il y aura très certainement une dimension de traçabilité forte sur les sites industriels futurs. Le développement exponentiel du e-commerce sur l’année passée demandera une implication des prestataires logistiques à rapporter les écueils de la gestion des retours : qu’ils soient destinés à une revente immédiate, des manipulations ou une destruction/recyclage, là encore ce sont les opérateurs logistiques et de distribution qui devraient être les plus à même d’apporter des informations critiques sur la manière de concevoir des produits avant leur mise en marché.
Le secteur logistique, avec la tenue récente du premier comité interministériel de la logistique (CILOG), devrait donc se coordonner pour s’associer à ce projet du pack rebond et prendre un rôle actif déterminant dans l’opérationnalisation des sites industriels.
4. Définitions et concepts
Rapport Hémar-Daher a été rédigé en 2018 à la demande du gouvernement, pour fournir une étude de la compétitivité des chaînes logistiques en France et formuler un certain nombre de préconisations.
Supply Chain est un terme qui désigne l’ensemble des acteurs de la chaîne d’approvisionnement, qui vont contribuer à la mise à disposition des produits au consommateur/patient final depuis les fournisseurs de matière première. Le secteur industriel y est généralement le maillon le plus important en termes d’orientations stratégiques, pour les caractéristiques de ses produits, la volumétrie et la gamme produits qui sera distribuée via les autres acteurs.
Sources
Présentation du projet « pack rebond » du gouvernement français
Lien vers le dossier de presse complet
Article des Echos, avec la carte des 66 nouveaux sites « Clefs en main »
Rapport sur la compétitivité des chaînes logistiques françaises