Mobilité, Prospective et innovation, Transport
L’évolution de la mobilité
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Cette étude vient confirmer nombre d’éléments rapportés dans les précédentes publications du LAB Transport. Après avoir souligné la révolution du monde du transport dans son ensemble, marquée par les innovations technologiques en cours d’introduction, le rapport insiste sur la nécessité et l’importance première de l’intervention des décideurs publics afin de garantir que des effets socio-économiques positifs puissent en ressortir.
Des progrès technologiques révolutionnant les transports
Le JRC évoque quatre grandes tendances portées par les innovations technologiques affectant la mobilité dans les décennies à venir :
- L’automatisation
Il s’agit de l’introduction de véhicules capables de réaliser de façon autonome tout ou partie, en fonction d’un degré d’autonomie classé de 1 à 5, des tâches de conduite aujourd’hui réalisées par des humains, - La connectivité
La connectivité désigne l'utilisation de technologies permettant aux véhicules routiers de communiquer entre eux et avec l'infrastructure routière (par exemple, les feux de circulation). La connectivité permet le concept de systèmes de transport coopératifs intelligents (C-ITS) et est étroitement liée à l'automatisation, en particulier pour la gestion efficace des véhicules autonomes impliqués dans le trafic. - La décarbonisation
La décarbonisation porte sur l'utilisation de carburants alternatifs (électricité, hydrogène, biocarburants et gaz naturel qui sont essentiels pour briser la dépendance du secteur européen des transports vis-à-vis des combustibles fossiles et pour réduire les émissions de gaz à effet de serre). - La stratégie du partage (sharing)
Le sharing est une approche innovante du transport consistant à permettre aux utilisateurs un accès facilité et partagé aux services de transport en fonction des besoins. Elle peut revêtir différentes formes telles que le covoiturage, le vélo en libre-service et des services de transport à la demande. Tout ceci s’appuie sur une notion dénommée MaaS (Mobility as a Service) qui est un concept ambitionnant de « fusionner les outils de billettiques et d’information multimodale pour permettre aux usagers d’aller d’un point A à un point B » (source).
Les avancées technologiques vont transformer le secteur
Les auteurs du rapport confirment que les avancées technologiques se conjuguent avec l’augmentation projetée de l’activité du transport professionnel (+30% pour le TRV et + 55% pour le TRM à l’horizon 2050). Ce double phénomène aura un impact sur la mobilité et le rapport alerte sur le fait qu’à elle seule l’innovation ne servira pas nécessairement l’intérêt général, ni ne constituera une amélioration du système de transport dans son ensemble.
Ainsi, l’automatisation, en augmentant l’attrait technologique des véhicules, associée au développement de l’ubérisation de l’offre de transport, sans renoncer à posséder un véhicule particulier, pourrait conduire à une augmentation du nombre de véhicules en circulation et ainsi aggraver les situations existantes de congestion et de pollution.
L’automatisation peut réduire jusqu’à 80 % le coût du transport.
De même, l’étude indique que si l’automatisation peut réduire jusqu’à 80 % le coût du transport, celle-ci peut aussi avoir comme effet collatéral d’augmenter les distances parcourues de 60 %, augmentant ainsi la durée de la présence des véhicules sur les routes.
Dans le même temps, la connectivité accrue de l’économie et le développement du commerce électronique continueront à augmenter substantiellement les demandes de livraisons du dernier kilomètre, accentuant les risques de nuisances sonores, environnementales et le ralentissement du trafic en milieu urbain.
Un impact direct de ces avancées sur l'emploi
Par ailleurs, les progrès technologiques font aussi peser un risque sur les emplois. L’étude mentionne le rapport FIT déjà présenté par le LAB Transport, lequel évoque, parmi d’autres scénarios, une hypothèse de suppressions drastiques de postes de conducteurs. L’étude tempère toutefois l’impact de ce risque en évoquant l’attractivité accrue que générera la digitalisation des transports, du moins pour les professions qui auront en charge le pilotage informatisé des opérations de transport et de l’environnement (ex. gestion informatisée des flottes de véhicules).
Ainsi, partant du constat que l’innovation à elle seule ne servira pas nécessairement l’intérêt général, l’étude rappelle que la sauvegarde de celui-ci repose sur l’intervention volontariste des pouvoirs publics.
Des effets conditionnés par l’intervention des pouvoirs publics
Aux termes de l’étude, le pouvoir régulateur est considéré comme incontournable pour réduire les effets négatifs suscités par les innovations au regard de l’environnement et de la congestion du trafic. S’agissant du transport de voyageurs, il est préconisé que l’évolution de la réglementation applicable prenne des mesures incitatives en faveur du développement du transport public collectif tout en réduisant, pour les véhicules individuels, l’attractivité que produira la technologie auprès des individus.
Des données au service de l'intérêt général
De même, l’étude préconise de réguler le traitement de l’abondance de données mises en circulation du fait d’une connectivité accrue des entreprises comme du matériel roulant. Cette régulation, selon l’étude, plutôt que de servir uniquement une réduction des coûts et une maximisation des profits, devra davantage servir l’intérêt général. Il s’agirait ici notamment pour les pouvoirs publics de mener une action régulatoire sur les prix d’accès aux plateformes électroniques de commande de services de transport. De même, il conviendrait de donner des directives précises consistant à favoriser la programmation d’itinéraires vertueux du point de vue sociétal plutôt qu’au niveau de la seule entreprise concernée.
Les pouvoirs publics sont aussi appelés à agir sur la disponibilité et le développement des infrastructures de recharge électrique et d’alimentation en biocarburants et hydrogène afin de rendre viables les avancées en matière d’énergies alternatives.
Une nouvelle législation pour répondre aux nouvelles technologies
Les acteurs publics devront aussi intervenir au niveau des infrastructures digitales, notamment en développant sur les routes les capteurs et autres récepteurs/émetteurs de données, en promouvant des cartographies dynamiques de l’état du trafic, des stations-service et de recharge disponibles sur le territoire et en développant les systèmes de paiement interopérables afin de fluidifier l’activité.
En outre, il est attendu la définition de standards et normes communes de communication interopérables afin que les gains de la connectivité ne soient pas réfrénés par l’insuffisance structurelle de leur exploitation, et permettent aux utilisateurs de véhicules et équipements connectés une pleine et accessible possibilité d’exploitation croisée des données.
Enfin, cette croissance exponentielle de la circulation des données à caractère privé fait courir pour les individus un risque sur leur vie privée (données personnelles) et pour les entreprises un risque sur leur situation concurrentielle (cybersécurité). Pour le JRC, il appartiendra aux pouvoirs publics, dans le prolongement du RGPD pour ce qui concerne l’Europe, de légiférer pour garantir à la fois une protection des données personnelles pour les citoyens et une juste concurrence pour les entreprises de transport.
Cette étude illustre bien le fait que les innovations technologiques, au-delà de toute transformation des véhicules, ne suffiront pas à elles seules améliorer le système de transport dans son ensemble. Elles ne se traduiront de façon effective et efficace qu’avec une évolution profonde et coordonnée des politiques publiques dont des investissements en infrastructures adaptées. Voilà plantées les conditions de réalisation du transport de demain…