Environnement et Développement Durable, Logistique, Nouvelle économie, Transport

Multimodal et fluvial : on se jette à l'eau ?

Publié le

Franchir le pas et s'associer à des opérateurs capables de faire du multimodal; tout le monde en parle, mais le passage à l'acte n'est pas toujours simple, car empreint d'informations mêlées d'idées reçues ou de données difficiles à exploiter lorsque l'on ne connaît pas encore ces interlocuteurs spécialisés.

Entre les délais, les coûts, l'empreinte environnementale... quels sont les critères sur lesquels se baser et y'a-t-il un impact sur la compétitivité ou la satisfaction client lorsque l'on s'intéresse à des solutions alternatives au transport routier de marchandises ? Est-ce compatible pour tous types d'opérations ? 

      1. Contexte

L’enjeu de la décarbonation de notre société est désormais bien ancré dans les politiques modernes, tout comme il influence depuis plusieurs années la transformation progressive des entreprises et leurs chaînes d’approvisionnement respectives. Les appels à projet sont de plus en plus nombreux à encourager la transition et l’accompagner vers le partage de données, l’intermodal ou le multimodal, et des modes de transport dits « durables ».

Dans le même temps, les entreprises logistiques et transport ont à cœur de rester compétitives et de répondre à des capacités opérationnelles de service qui les démarquent de la compétition. Alors si l’on s’intéresse plus particulièrement au transport fluvial : comment compare-t-on ce mode avec le transport routier de marchandises et peut-il être aussi performant, dans un contexte économique où la flexibilité est prégnante, et la croissance du e-Commerce toujours en plein essor ?

 

      2. Synthèse AFT

Pour comprendre l’activité du transport fluvial, il faut commencer par lever un certain nombre de préjugés et d’appréhensions qui collent à son image, car on a tendance à ne retenir que leur lenteur et leur capacité de transport de produits lourds et encombrants. Or, l’organisation logistique c’est avant tout de trouver des solutions à une problématique identifiée, et certains acteurs économiques les ont déjà identifiées pour y apporter des réponses.

Certes, la vitesse de déplacement d’une barge est moindre qu’un véhicule routier, mais son axe de transport n’est pas saturé, donc pas d’embouteillages à prévoir. Et sa capacité de transport n’est pas liée aux matériaux mais à sa capacité d’emport et les équipements à bord. Donc il s’agit surtout d’étudier un modèle de distribution, d’étudier les distances à partir desquelles il est rentable de mettre en place un modèle fluvial, et enfin d’ajuster l’organisation aux contraintes spécifiques de ce mode.

On rappelle au passage que le dernier kilomètre de la distribution d’un produit représente près de 50% des émissions carbone de son acheminement sur une chaîne d’approvisionnement étendue. C’est-à-dire que malgré le fait que le transport maritime représente 80% des flux de marchandises dans le monde, ce sont les tous derniers kilomètres réalisés majoritairement par camion actuellement, qui ont le plus fort impact environnemental.

Or, si l’on creuse un peu, on se rend compte que la majorité des grandes agglomérations de France se sont construites autour d’un axe fluvial. Et que celui-ci passe en plein cœur de la ville. A l’instar des opérations en cyclo-logistique, le fluvial trouve alors un intérêt important en matière de décarbonation. Il existe même déjà des opérateurs en train de déployer un modèle combinant les deux, tel que Fludis, avec des cyclo-cargo à bord d’un entrepôt flottant, sur une barge.

Pourquoi donc est-ce que ce modèle n’est donc pas encore déployé à grande échelle en France ?

Les axes fluviaux ne sont pas saturés et majoritairement utilisés à des fins touristiques pour le transport de personnes, notamment en Ile-de-France avec Paris. Ce n’est pas non plus une problématique de compatibilité avec les spécificités des produits, puisqu’il est possible (cf. Fludis) de mettre en place une organisation agile et capable de livrer de petits volumes via des tournées et rotations flexibles, à partir d’une barge.

Pour ce qui concerne les délais d’acheminement, il s’agit d’un faux problème.

La satisfaction client s’intéresse avant tout à la date et heure de livraison, pas au délai ni moyen d’acheminement. Cela signifie qu’avec un système de gestion des stocks, de planification des commandes et une organisation en amont qui tienne compte du délai d’acheminement, il est possible de livrer des points de vente, des magasins d’alimentation ou même des particuliers en ville. Il suffira de tenir compte du temps de transport et de charger la barge en amont. En revanche cela risque de se faire de nuit ou très tôt le matin, pour respecter les horaires d’ouverture et de prépositionnement produit en rayon.

En matière de coût, on trouve un premier enjeu important. La fabrication d’une barge est actuellement presque 3 fois supérieure à celle d’un camion, pour une capacité équivalente. Cela est dû au manque d’industrialisation de la fabrication. Il est donc difficile d’être compétitif sur le coût initial d’acquisition, malgré les aides de l’Etat. Côté coût de fonctionnement, ce n’est malheureusement pas simple non plus, puisque les personnels navigants à bord nécessitent une formation et expérience souvent supérieure à celle d’un conducteur de poids-lourd, notamment pour le capitaine.

Le deuxième enjeu important, qui vient compléter d’ailleurs le précédent, c’est la règlementation, qui est loin d’être facilitante actuellement pour les opérateurs qui se sont penchés sur des solutions de fret. En effet, rien qu’en France on trouve des spécificités règlementaires selon les régions et donc selon les fleuves. Cela signifie qu’il n’y a pas d’harmonisation ni de standard sur les types de navires, sur le nombre de personnels minimum obligatoires à bord ni sur les autorisations d’exercice.

Pour un opérateur fluvial qui souhaiterait être flexible et développer son activité avec une mise à l’échelle, cela complique donc fortement sa compétitivité par rapport au secteur routier. D’autant plus que les barges utilisant l’intelligence artificielle embarquée, pour une rotation autonomes ou un pilotage à distance, sont encore interdites en France (alors qu’elles sont déployées aux Pays-Bas). Les jeux olympiques de 2024 devraient permettre une phase test pour ces barges autonomes justement, qui pourraient ouvrir la voie à de nouvelles opportunités de marché pour les acteurs français.

Malgré tout, la force de l’entreprenariat en France ainsi que les aides publiques permettent de démontrer que ces opérations sont à la fois possibles et rentables. Donc avec un coup de pouce en matière de règlementation pour alléger les contraintes qui s’appliquent actuellement à ce mode de transport, il serait possible d’accélérer une partie de la décarbonation du transport en milieu urbain ?

 

      3. Perspectives pour la logistique

Les exemples opérationnels le démontrent, en France comme à l’international, les opérations logistiques via barge fluviale sont possibles. L’usage de barges autonomes, sur des circuits maîtrisés tout en évitant la circulation d’autres navires, est même déjà suffisamment avancée pour contourner une éventuelle problématique ultérieure de disponibilité des personnels, puisque former toute une génération de professionnels à ces métiers spécifiques, lorsque le cycle de formation est de trois ans, s’avèrerait compliqué.

Pour ce qui est des coûts de fonctionnement et notamment d’investissement, il semble compliqué voire impensable qu’une chaîne industrielle puisse rendre compétitifs les coûts de fabrication, mais devraient à minima réduire fortement la valeur d’achat initiale. Par une plus forte exploitation, il serait possible également d’envisager des modèles plus adaptés à différents types de transport, si la règlementation venait à s’alléger sur ce plan.

Pour ce qui est de l’organisation des chaînes logistiques en conséquence, cela reste complexe tant qu’il n’y a que l’opérateur logistique, entre l’entrepôt de dispatch des produits à proximité d’une agglomération, qui porte seul les conséquences. En effet, trouver du personnel qui travaille de nuit sur des opérations logistiques est de plus en plus compliqué et la pénurie d’opérateurs est déjà présente depuis plusieurs années. La robotisation et automatisation des sites logistiques risque de ne pas suffire, à elle-seule, à compenser ce phénomène.

En revanche, si les points de vente ou les distributeurs s’adaptent pour disposer d’emplacements de stockage en milieu urbain, avant de livrer aux clients finaux, cela peut complètement changer l’organisation et les horaires d’acheminement. Avec des acteurs tournés vers l’innovation technologique et avec une forte capacité d’investissement tel qu’Amazon, Walmart et autres grands distributeurs, il pourrait être possible de repenser au passage l’immobilier logistique urbain pour faire d’une pierre deux coups…

 

Définitions

Non nécessaire.

Sources

 

Informations annexes au site