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Performance logistique : digitale ou traditionnelle ?

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Les nouvelles technologies et plus particulièrement la digitalisation apportent de nombreux et précieux bénéfices aux opérations de transport et de logistique. Notre secteur est particulièrement tourné, voire initiateur, d'évolutions majeures en raison de la nécessité d'optimiser et rationnaliser les ressources disponibles en matière de coûts et d'efficacité de réalisation.

Or, nous sommes aussi dans un secteur qui apporte des solutions à des cas de figures uniques et spécifiques, et un tissu économique d'entreprises principalement à taille humaine, où la capacité d'investissement est difficile. Dans ces conditions, quel est le juste milieu entre transformation digitale et bonnes pratiques logistiques ?

      1. Contexte

Le secteur des transports et de la logistique est constitué à 92% d’entreprises de moins de 50 salariés, avec très souvent moins d’une dizaine de salariés dont la grande majorité d’entre eux sont opérationnels. Malgré une légère amélioration post période covid, avec des marges brutes d’exploitation tournant autour de 6,4%[1] en 2021, le secteur des transports routiers de marchandises n’a jamais disposé d’une grande marge de manœuvre pour investir et les défaillances d’entreprise repartent à la hausse après une période favorable en 2020.

Dans ces conditions, l’ère de la digitalisation, qui apporte accélération, précision et fiabilité, a longtemps été repoussée à plus tard pour les acteurs du transport. Mais la demande poursuit sa croissance, les attentes des donneurs d’ordre avec elle, et les enjeux du dérèglement climatique requièrent une parfaite maîtrise des impacts de l’entreprise sur son environnement. Grâce à la littérature professionnelle, nous vous proposons de faire un état des lieux aujourd’hui…

 

      2. Synthèse AFT

Les sources professionnelles sont nombreuses à le souligner : les avantages de la digitalisation sont nombreuses pour toute entreprise. Mais il s’agit de bien comprendre quelles sont les fonctionnalités et les outils qui puissent répondre aux besoins spécifiques des acteurs économiques. Pendant plusieurs décennies, le transport et la logistique étaient avant tout des entreprises familiales, de petite taille, avec une activité souvent très localisée. Avec la croissance des marchés, ce maillon indissociable des chaînes d’approvisionnement a dû répondre à la demande et augmenter les cadences, modifier son organisation, développer son offre de service.

L’arrivée des géants du e-Commerce a bouleversé les codes en redéfinissant les délais de livraison ainsi que les enjeux de traçabilité des colis pour les clients finaux. Grâce aux plateformes numériques, le client est en lien direct avec les mouvements d’un produits à toutes les étapes à partir du dernier site logistique, voire parfois bien en amont. Cette traçabilité est garantie par le partage d’informations à toutes les étapes de manipulation et s’accélère également puisque les industriels comme les distributeurs n’ont pas manqué de noter au passage les économies importantes pouvant être réalisées dans une meilleure connaissance des flux, de la demande et des capacités de service.

Côté outils au service de l’activité transport, les premiers systèmes digitaux font leur apparition dans les années 90 avec les premières bourses de fret. Elles permettent de mettre en relation affréteurs et transporteurs en étant facilement accessible et peu de contraintes techniques pour les professionnels de la logisitique. Les plateformes digitales font leur apparition dans les années 2000. Elles apportent de nouvelles fonctionnalités comme la prise de commandes et requiert certaines tâches administratives de la part des conducteurs pour assurer le suivi des opérations. Le taux d’appropriation reste alors très faible car il bouleverse les usages de la profession, pour des entreprises qui jusque là peuvent encore travailler avec leurs réseaux locaux et une organisation à échelle humaine.

Avec l’accumulation de données et une meilleure compréhension de l’activité transport par les donneurs d’ordre, plusieurs géants de la distribution se sont rendu compte de la dimension stratégique de l’activité, dans la coordination de chaînes d’approvisionnement de plus en plus complexes. Lorsqu’au départ il s’agissait surtout de rechercher des solutions de fret parmi les innombrables possibilités, la génération des TMS permet de contribuer à une meilleure planification et exécution des opérations.

De là, certains acteurs se démarquent, tant du côté transport & logistique que des donneurs d’ordre, en investissant dans ces solutions pour améliorer la performance : entre l’optimisation des coûts, du temps de traitement et des tournées. L’appropriation du digital permet de fortes croissances et l’acquisition de parts de marché importantes pour ceux qui s’y sont inscrits dès les premières heures.

Plusieurs freins commencent cependant à apparaître : l’offre des éditeurs d’outils digitaux est très large et peu lisible, avec la difficulté pour les opérateurs de faire un choix qui soit compatible avec les usages des donneurs d’ordre. Cumulé à la forte fragmentation des opérateurs, cela conduit à subir la demande de digitalisation par les chargeurs, qui utilisent déjà leurs propres solutions et démultiplient les interfaces pour les transporteurs souhaitant travailler avec plusieurs clients.

Le taux d’adoption des outils digitaux, selon les sources et enquêtes menées par différents représentants du secteur, tourne autour de 20-25% seulement des entreprises en 2018, un peu avant la crise covid et l’accélération générée par l’essor du e-Commerce. Une crainte importante est la perte de maîtrise des données commerciales, des stratégies de chacun par rapport à leurs réseaux clients et une relation souvent construite dans le temps. C’est aussi des tâches administratives qui se rajoutent au métier des conducteurs, peu habitués à manipuler des tablettes et autres équipements informatiques. La résistance au changement s’installe alors à plusieurs niveaux de l’entreprise.

La grande révolution de ces dernières années, c’est l’évolution des outils digitaux « au service » de l’activité transport cette fois, pour répondre à ces enjeux. Il s’agit de réduire les tâches administratives, automatiser ce qui peut l’être, simplifier les interfaces de travail et réduire le coût d’investissement dans un outil risquant d’être obsolète ou incompatible avec les outils de clients. Ce sont les solutions SaaS qui viennent ainsi faire évoluer l’offre pour permettre à deux environnements distincts de mieux communiquer ; ces outils reprennent les fonctionnalités des TMS mais permettent un accès financier simplifié et compatibles aux usages des affréteurs comme celui des transporteurs. Le développement des outils et leurs fonctionnalités devient plus modulaire, permettant alors à toute entreprise de n’utiliser que celles dont elle a besoin.

Même si le taux d’adoption reste encore très faible comparativement aux autres secteurs d’activité, les enquêtes menées par diverses sources auprès de leurs adhérents et entreprises du secteur des transports indique désormais la digitalisation comme un enjeu stratégique dans les années à venir, qu’il s’agisse d’en renforcer les usages ou de s’y mettre…

 

      3. Perspectives pour la logistique

Comparativement à l’activité transport, celle des opérations logistiques, pour un prestataire spécialisé comme pour les fonctions internes d’un industriel, s'est davantage investie dans les solutions informatiques. D’une part, ce sont des acteurs économiques souvent plus importants, avec des moyens et des investissements de départ plus élevés (dans l’immobilier), ensuite parce que la nature des sites (surtout les entrepôts) a peut-être plus intuitivement incité à la mise en place d’outils de gestion pour le suivi des flux de produits à manipuler en très grand nombre et en un seul endroit, contrairement à la conduite.

Les études de cas et le retour sur investissement d’un WMS peut se réaliser à partir de très faibles quantités de référence, même s’il reste encore un travail d’adaptation à faire pour les plus petites structures. Pour autant l’activité est étroitement liée aux opérations de transport et au-delà de tout le travail d’acculturation à l’environnement digital, à la mise en compatibilité des opérations avec les attentes client grâce à ces outils, c’est un autre volet de la digitalisation auquel la filière va devoir faire face : l’internet des objets.

Comme démontré par différents travaux et notes de synthèse précédentes sur le sujet, la démocratisation des objets connectés, tant en coût unitaire qu’en potentiel de captation des données, représente une nouvelle révolution dans la compréhension et la maîtrise des flux à l’échelle des Supply Chain. La coordination logistique devient ainsi encore plus stratégique en étant capable d’ajuster les processus de commandes et réapprovisionnement, de prépositionnement de stock et de service client, en collectant toujours plus d’informations même au sein d’entités partenaires.

Cela va demander de l’adaptation au changement et aux outils qui impliquent cette nouvelle façon d’interpréter et de piloter les flux (d’informations et de produits), fortement induite par les stratégies omnicanales de la distribution. Même si cela ne change rien au niveau terrain sur les pratiques du métier, cela signifie que de nombreux métiers de l’encadrement intermédiaire doivent se familiariser aux principes de la digitalisation, aux nouvelles solutions informatiques, etc. Ce sont de nouveaux métiers qui apparaissent aussi puisque l’intégration de ces nouveaux objets dans l’entrepôt et tout au long de la chaîne d’approvisionnement nécessite des techniciens spécialisés pour leur maintenance et entretien.

Ces changements devraient se mettre en place rapidement au sein des plus grandes structures mais encore une fois, l’écart risque de se creuser avec les TPE, dont les capacités à recruter resteront limitées. C’est donc par la formation et la démocratisation des technologies à venir qu’elles devraient franchir le pas à leur tour, si tant est que la résistance aux changements ait été surmontée et que le marché local ait mis en difficulté le modèle économique… car à plus de 90% des entreprises, le secteur reste familial, à l’échelle humaine et centré sur la relation client.

 

Définitions

SaaS :  Software As A Service ou « logiciel en tant que service » est un modèle d'exploitation commerciale des logiciels ; ils sont installés sur des serveurs distants plutôt que sur la machine de l'utilisateur, ce qui permet aux utilisateurs d’y souscrire par une licence ou forfait, moins chère qu’une acquisition et permettant de bénéficier des mises à jour ou de pouvoir basculer sur une autre solution en cas de besoin.

Modulaire :  en informatique, la programmation modulaire reprend l'idée de fabriquer un produit à partir de composants. Elle décompose une application principales en plusieurs « groupes de fonctions, de méthodes et de traitement », pour pouvoir les développer et les améliorer indépendamment, puis les réutiliser dans d'autres applications.

Internet des objets Internet of Things ou IoT en anglais, c’est l'interconnexion entre l'Internet et des objets, des lieux et des environnements physiques. L'appellation désigne un nombre croissant d'objets connectés à Internet permettant une communication entre nos biens dits physiques et leurs existences numériques.

Sources

 


[1] Source Upply

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