Environnement et Développement Durable, Innovation, Logistique, Nouvelle économie
Peut-on améliorer la collaboration logistique ?
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1. Contexte
Les acteurs économiques parlent de mutualisation logistique depuis de nombreuses années, comme un volet d’amélioration et d’optimisation reconnu comme incontournable. Pour autant, les pôles de mutualisation logistique se comptaient sur les doigts d’une main en France il y a quelques années seulement. Où en sont les entreprises aujourd'hui et est-ce que tous les secteurs d'activité sont compatibles avec ce modèle d'organisation ? Faisons le point sur certaines pratiques exemplaires et ce que signifie « mutualisation logistique » pour les professionnels du transport et de la logistique.
2. Synthèse AFT
La mutualisation logistique des chaînes d’approvisionnement représente une palette de possibilités et de fonctions que les industriels et tous leurs partenaires peuvent envisager pour optimiser leurs flux. On peut évoquer à la fois les transports, le stockage, mais aussi le traitement des commandes, les achats ou la gestion des retours et déchets. Par mutualisation, on entend différents degrés de partenariat et de collaboration des acteurs économiques, autour d’un processus donné.
En effet, il peut s’agir du partage d’équipements, de ressources humaines, ou de systèmes d’information. La mutualisation doit permettre à tous les acteurs concernés de mieux exploiter leurs ressources, réaliser des économies et au passage d’améliorer leur impact sur l’environnement. On distingue la mutualisation verticale, dans laquelle les acteurs mettent en commun des actifs logistiques à des niveaux différents de la chaîne d’approvisionnement (ex. : des industriels et un distributeur), et la mutualisation horizontale, avec le partage de ressources logistiques entre entreprises directement en concurrence sur un même segment de la chaîne (ex. : plusieurs industriels d’un même secteur d’activité).
Mutualisation horizontale ou verticale, amont ou aval... y'a-t-il un segment de la supply chain plus adapté ?
Si la mutualisation des flux en amont était plutôt répandu et intuitive, en lien avec une logique de mutualisation verticale, celle de l’aval reste plus complexe à mettre en œuvre, étant donné la diversité des acteurs, des points de livraison et des modalités de livraison. Mais les enjeux sont énormes car avec la mise en place de projets de mutualisation très concrets désormais, tous les acteurs qui ont franchi le pas rapportent une création de valeur et une économie notable des frais de fonctionnement.
Si l’on s’intéresse de plus près aux opérations du dernier kilomètre, l’expansion des services de la distribution par des stratégies omnicanales s’est davantage complexifiée et les coûts de gestion ont augmenté, rendant les enjeux d’optimisation cruciaux. Pour y répondre, de plus en plus d’acteurs passent de l’étude de projets à leur concrétisation par la mutualisation des flux avec d’autres partenaires.
Dans un secteur ultra-compétitif qu’est le transport de marchandises, il était évoqué pendant longtemps la confidentialité des pratiques de tarification, des stratégies commerciales… Pourtant, c’est aujourd’hui le modèle de mutualisation identifié comme le plus fréquent, avec des modèles qui peuvent être très différents d’un partenariat à l’autre :
- Planification de tournées avec des emplacements préréservés par opérateur,
- Planification avec des emplacements libres mais un suivi précis à la palette,
- Forfait partagé d’utilisation des équipements, etc.
Dans la continuité des opérations de transport, la mutualisation des entrepôts et surfaces logistiques semble être le deuxième modèle qui se met en place, plutôt logiquement. On distingue ainsi les modèles que les plus grands acteurs logistiques français sont en train de développer, avec des « pool » où plusieurs industriels acceptent de rassembler leurs produits une consolidation des préparations avant un dispatch local multiproduits. Ce type de modèle met en avant le rôle des prestataires logistiques, qui s’apparentent de plus en plus à des 4PL et permet une diversité d’opérations de manipulation des conditionnements, voire potentiellement une optimisation des conditionnements eux-mêmes, pour intégrer des produits distincts à destination d’un même point de dispatch ou de livraison.
Dans la continuité de cette logique, les distributeurs procèdent aux mêmes opérations en optimisant leurs flux fournisseurs et avec un taux de service sur les points de vente plus efficace qu’auparavant. Un exemple marquant de réussite pour la mutualisation des opérations logistiques est l’initiative mise en place pour sauver le secteur de la presse en France. La fragilisation du principal acteur en volume et en chiffre d’affaires (Presstalis), dû à une compétitivité accrue des tarifs sur des produits règlementés différemment (magazines, romans, presse quotidienne, etc.) mais corrélés pour l’ensemble des acteurs (assurer la diversité des produits en kiosque), a soulevé la nécessité de mutualiser les ressources logistiques pour tous les produits et par les deux distributeurs principaux (Presstalis et MLP).
Par l’utilisation des mêmes infrastructures (entrepôts et plateformes logistiques) ainsi que des réseaux de distribution (parc de véhicules), les deux opérateurs se distinguent alors davantage par leurs services et accompagnement client, tout en optimisant respectivement leurs resssources et leurs équipes. Les taux de chargement sont excellents et il est désormais possible de supporter les coûts de livraison des produits jusqu’à présent les moins « rentables » de la presse quotidienne.
Trois bénéfices majeurs de la mutualisation : la réduction des coûts de fonctionnement, l’amélioration de la qualité de service et l’optimisation des stocks.
Il s’agit donc d’opportunité de moins produire, pour mieux acheminer et à moindre coût, ce qui permet une chaîne d’approvisionnement plus efficace et réactive aux besoins des clients. Il est donc possible de mutualiser tout ou partie des processus logistiques, de rendre l’opération rentable pour les acteurs concernés, et ce sans impacter les stratégies commerciales respectives des opérateurs concernés. En revanche, il faut aussi bien identifier et anticiper les contraintes de mise en place que cela implique : adapter l’organisation des flux entre les acteurs et intégrer une complexité de traitement grandissante…
3. Perspectives pour la logistique
La transition de tous les secteurs d’activité vers une logistique mutualisée quasi-systématiquement lorsque l’opportunité se présente est encore loin d’être achevée. D’une part, il faut rappeler que jusqu’à présent les opérations de réelle mutualisation, c’est-à-dire d’utilisation des moyens sans lien de subordination entre les acteurs, a surtout été déployée par de grands opérateurs spécialisés en logistique. Lorsque des très petites entreprises (TPE) se penchent sur ces dispositifs, il s’agit surtout de petits producteurs qui visent à utiliser des solutions de transport et logistique mutualisées.
Par ailleurs, même si les pôles de mutualisation logistique se développent, ils ne sont pas encore la norme et font face à d’autres contraintes nouvelles, corrélées aux enjeux de développement durable : la loi Climat et résilience de 2021 avec un objectif de zéro artificialisation nette. En effet, pour remplacer plusieurs immobiliers logistiques moins efficaces par des méga-sites capables d’accueillir plusieurs opérateurs et de mutualiser tant les opérations en entrepôt que le transport des marchandises, il faut repenser tout le réseau de distribution sur le territoire.
Ensuite, il y a ces deux contraintes majeures que les opérateurs logistiques modernes doivent être capables d’adresser : modèle organisationnel et traçabilité à toute épreuve des flux. Il s’agit de définir des règles de gestion et d’utilisation des ressources mutualisées qui conviennent à tous, sur le même plan et avec les mêmes objectifs commerciaux. Pour cela, la recherche de partenaires fiables et responsables est essentielle, mais ils doivent aussi être solides financièrement pour éviter de mettre le partenariat en péril par la suite.
Pour la traçabilité, il s’agit d’accompagner des flux encore plus complexe sur un site logistique puisqu’au-delà des opérations déjà nombreuses d’un opérateur, il doit tenir compte des autres partenaires pour optimiser réellement le chargement et l’organisation des tournées ensuite. Ce sont donc des investissements dans les systèmes d’information, leur interfaçage et le niveau de partage minimum nécessaire pour que le coordinateur du site, qui est le seul à avoir la vue d’ensemble, puisse assurer un service optimal malgré la compléxité et les stratégies commerciales de chacun.
Pour ces deux facteurs donc, les plus petits acteurs économiques, pourtant essentiels au fonctionnement de nos Supply Chain, y compris sur le volet transport et logistique, vont avoir besoin de l’appui de leurs partenaires voire des pouvoirs publics.
L’enjeu de mutualisation qui pourrait répondre à cette problématique et faciliter leur inclusion dans les années à venir, serait de développer désormais davantage de modèles de partage des systèmes d’information, voire de l’information elle-même. Ainsi les acteurs les plus solides économiquement pourrait faire profiter de leur capacité d’investissement des partenaires plus petits, mais pouvant s’intégrer aux pratiques d’un site par un forfait d’entrée… A voir si la digitalisation des flux logistiques peut alors contribuer à une approche étendue du principe de mutualisation ?
Sources
- Publication N. Fabbe-Costes & G. Paché - La mutualisation des ressources logistiques pour des Supply Chain durables
- Article LSA – La mutualisation logistique gagne du terrain en France
- Article Transport Express – Qu’est-ce que la mutualisation logistique ?
- Article Coursier Express – Mutualisation : le nouveau défi de la logistique urbaine
- Article VoxLog – Retail & mutualisation logistique : de grands enjeux sur l’aval
- Publication HAL – SILOGUES : Simuler la logistique urbaine dans son environnement économique et spacial
- Autorité de la concurrence – Le système de distribution de presse magazine en France