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Retour sur le webinaire « Conséquences du Brexit sur l’organisation des échanges anglo-continentaux » CSTL - 18 mars 2021
Publié le
Le Brexit présente un caractère inédit dans l’histoire économique
Rappel : En juin 2016, la population britannique s’est prononcée pour une sortie de l’Union européenne (UE). L’appartenance à l’Union européenne garantit aux pays membres le bénéfice d’exemptions de droits de douane sur les échanges de biens et services intracommunautaires, ainsi que des tarifs douaniers préférentiels négociés par l’UE avec le reste du monde. De même cette appartenance permet de bénéficier de l’harmonisation des normes et des réglementations au niveau communautaire ce qui permet de réduire fortement les barrières commerciales non tarifaires (quotas, embargos, normes…etc)
Par ce Brexit le royaume est désormais sorti de l’Union Douanière et n’applique plus la politique européenne en matière de « normes » ou « d’origine » ce qui signifie qu’il est devenu UN PAYS TIERS avec les contraintes administratives et douanières liées à ce statut.
Etat des lieux
Près de 70% des échanges anglo-continentaux transitent via la façade portuaire de Roscoff à Amsterdam y compris le tunnel, mais l’impact du Brexit pour ses ports sera différent en fonction de leur niveau de dépendance vis à vis des échanges avec le royaume uni. De même, le trafic de fret adossé au trafic de voyageur a particulièrement souffert car de nombreuses liaisons touristiques ont dues être stoppées.
Actuellement le Trafic accompagné (camion + chauffeur) qui s’effectue sur les trajets le plus cours via les Ferries, Ropax, Navettes Eurotunnel représente encore les 2/3 des trafics.
Le Trafic non accompagné (remorques seules et conteneurs) qui s’effectue sur les liaisons les plus longues (côte Est) concerne pour sa part 1/3 des trafics.
Les trafics unitarisés qui sont les données observables utilisées pour les différentes analyses se répartissent en :
- Ro/Ro = 66% (de l'anglais roll-on/roll-off signifiant littéralement « rentrer en roulant, sortir en roulant », c'est à dire le transport de poids lourds ou de remorques par des bateaux spéciaux appelés « rouliers ».
- Tunnel sous la Manche = 18% (essentiellement système de navettes)
- Conteneurs Lo/Lo = 16% (dont 2/3 sont issus des liaisons longues distances deep-sea)
La technique du Lo/Lo (lift on/lift off) recourt au chargement vertical et est utilisée plus traditionnellement sur les navires équipés de grues ou sur les portes-contenurs.
Le marché avec le Royaume Uni apparait désormais comme très déséquilibré. Un véhicule sur 3 repart à vide du fait de l’effondrement des exportations, faute de fret retour c’est la part des trafics non accompagnés (moins chers) qui devraient augmenter à l’avenir ce qui ne sera pas sans impacter le transport routier.
Les enjeux du BREXIT
Même si à ce jour, une grande partie des conséquences du Brexit sont encore inconnues d’autant plus qu’elles s’ajoutent aux incertitudes liées à la crise sanitaire du covid, on considère que le Brexit n’en est qu’à son commencement.
L’intégration commerciale du Royaume Uni avant le Brexit était assez faible et comme pour l’ensemble des pays de l’Union Européenne la part des échanges avec la Chine était de plus en plus importante.
A la question de savoir qui de l’Union Européenne ou du Royaume Uni est le plus dépendant, la réponse est différente selon les secteurs. De manière générale on peut dire que l’Angleterre a une part assez faible de ses importations qui proviennent de l’Union Européenne, par contre ses exportations sont plus importantes voire prépondérantes dans certains secteurs comme l’automobile.
La filière automobile
Il existe pour l'industrie automobile une imbrication entre le Royaume-Uni et le reste de l'Europe très importante, celle-ci est liée à l’interdépendance du système productif et logistique anglais qui fonctionne à partir d’importations issues de l’Union Européenne, Union Européenne qui en sortie, constitue son marché principal.
Par le passé plusieurs constructeurs et assembleurs (Nissan,Toyota, Honda, General Motors, etc. ), avaient choisi ce pays comme tête de pont pour le marché européen. Aujourd’hui ils sont amenés à revoir leur stratégie car la fluidité des échanges entre le Royaume-Uni et le continent qui est cruciale pour l'industrie automobile basée sur le juste à temps n’est plus assurée.
Le rétablissement des procédures douanières qui même si elles sont dématérialisées et se font pour l’essentiel en référence à la « frontière intelligente », a un impact important en terme organisation, de transit- time et les couts.
https://www.douane.gouv.fr/brexit-la-frontiere-intelligente
Le retour du DAU et des Titre de Transit
La circulation des marchandises est désormais soumise à documents douaniers. Si le DAU est assez facile à mettre en œuvre par les gros exportateurs, il pourrait avoir un impact négatif pour les petits exportateurs (exportations de petites quantités, irrégulières) qui devront faire appel à un transitaire ou fournir de nombreux documents engendrant un surcroît de travail et perte de temps.
Le rétablissement des titres de TRANSIT prévaut désormais pour passer à travers l’UE ou pour aller de l’UE en Irlande si passage par le Royaume Uni.
Le cas de l’Irlande
En tant que pays particulièrement impacté par le rétablissement des régimes douaniers notamment en cas de transit par le Royaume Uni, l’Irlande se réorganise et de nombreuses entreprises développent actuellement des liaisons maritimes directes (Amazon, BMW).
Premiers constats
Mr Joan nous fait part de ses analyses que corroborent tous les observateurs et qui aboutissent à différents CONSTATS
- Le PIB Britannique va baisser
- Le commerce entre le RU et l’UE sera plus coûteux et contraignant
- Concurrence accrue des pays tiers sur le marché Britannique (fin de la préférence
- communautaire)
- Incertitude sur la durée et sur les résultats des nouveaux accords du RU avec UE et
- Autres…
- A terme, moindre intégration économique (surtout si divergences réglementaires
Constat : Baisse des échanges commerciaux anglo-continentaux
- Réorganisation des chaînes productives et logistiques
- Marché Britannique = marché spécifique
Moindre souplesse des organisations routières (fret retour par exemple) - Réorganisation des acteurs du transmanche (prescripteurs des traversées)
Constat : Réorganisation des échanges anglo-continentaux
En 2020 la baisse du trafic de marchandises a connu une baisse de 8% que l’on impute pour les 2/3 au Brexit et 1/ 3 au Covid.
Post Brexit : Les « changements / Transformations / Mutations »
Grace a la préparation et l’anticipation de l’ Union Européenne, l’impact sur les terminaux a été limité et le chaos redouté pour cette première étape du Brexit ne s’est pas produit, d’autant que les Anglais avaient stocké beaucoup de marchandises retardant d’autant le retour des échanges à un haut niveau.
Coté Britannique après une période de décembre un peu confuse les choses rentrent dans l’ordre notamment parce que les Anglais ont reporté la formalisation de leurs contrôles, et envisagent de poursuivre encore dans cette voie jusque avril, octobre, voire janvier/mars 2022. C’est à ce moment que le Brexit rentrera dans une deuxième phase dont il faudra mesurer les effets.
Après quelques mois, on constate cependant des évolutions que l’on considère désormais comme structurelles :
- Des dynamiques différenciées selon les corridors.
- Nouvelle dynamique du trafic non accompagné.
- Dynamique des liaisons sur l’Irlande.
- Impact majeur du COVID-19.
Les effets à MOYEN/LONG TERMES suscitent des interrogations :
Certains opérateurs maritimes ayant une activité essentiellement touristique, pourraient être amené à disparaitre ou à réorienter leur activité.
L’intensité des échanges pour l’avenir reste difficile à appréhender, elle sera liée aux accords commerciaux que le Royaume Uni pourra signer et dont on ne mesure pas encore les portées.
Beaucoup d’incertitudes pèsent encore sur les indicateurs macro : coût du pétrole, coût du transport, main d’œuvre et nombre de conducteurs par exemple.
Coté portuaire
Les ports tels que Dunkerque et Calais très dépendant jusqu’ici du trafic transmanche devront opérer une diversification des leurs liaisons.
Si les plus grands ports ayant un niveau d’infrastructures bien développé semblent en mesure d’accompagner ces évolutions, des incertitudes pèsent sur les petits ports tels que Dieppe, Roscoff etc. En effet ces ports risquent de ne pas avoir les moyens ni techniques, ni humains de mettre en place la « frontière intelligente » pour un trafic de fret très limité, idem pour les petits ports côté Britannique. A terme le risque est fort de concentrer le trafic sur le détroit avec toutes les conséquences qui en découlent, niveau de trafic, sécurité, risques environnementaux.
En conclusion
Si la première étape du Brexit semble bien se passer, il pèse beaucoup d’incertitudes sur les effets à moyens et longs termes.
Mr Joan affirme la nécessité d’adopter rapidement une nouvelle stratégie de flux maritimes dans les régions concernées, afin notamment de prendre en charge le fret non-accompagné qui est en pleine expansion et de ne pas le laisser à la concurrence belge et néerlandaise. Les grands ports devront intensifier l’Intermodalité versus Autoroutes Ferroviaires pour pouvoir accueillir davantage ces trafics.
De la même manière, la spécialisation logistique à destination du Royaume-Uni et le développement de nouvelles lignes maritimes entre la Côte d’Opale et l’Irlande sont autant d’opportunités économiques à saisir localement.
Enfin la création de liaisons intermodales avec les ports intérieurs de la Tamise desservant Londres, ou encore avec la Scandinavie sont à étudier.