Environnement et Développement Durable, Logistique
La sobriété de notre société
Publié le
1. Contexte
La sobriété énergétique est la diminution des consommations d'énergie par des changements de modes de vie et des transformations sociales. Ce concept politique se traduit notamment par la limitation, à un niveau suffisant, des biens et services, produits et consommés. Il ne s’agit donc pas de retourner à l’âge de pierre, mais bien de repenser les usages du quotidien, notamment en matière de ressources et d’énergie, pour assurer un fonctionnement de société qui reste si possible aussi performant que celui auquel nous avons accès actuellement, tout en réduisant significativement notre impact sur la planète.
Avec le dérèglement climatique qui s’accentue et divers phénomènes météorologiques qui affectent de plus en plus durement certaines régions du monde et de France (ex. : inondations dans les Hauts de France), il devient nécessaire d’étudier en profondeur ce que signifie « sobriété », pour ne pas s’appuyer uniquement sur des évolutions technologiques et des pratiques qui ont tendance à exploiter toujours plus de ressources.
2. Synthèse AFT
Notre société moderne est caractérisée par une dépendance à la consommation rapide, à la commodité et à la rapidité des flux logistiques. L’évolution des technologies, de la maîtrise des ressources et techniques à notre disposition nous a permis depuis l’ère industrielle d’accéder à des niveaux de conforts et des prestations de service jamais égalées jusqu’à présent. Or, au-delà de l’effet « waouh » que cela a permis, il nous est désormais possible également de mesurer avec de plus en plus de précision notre impact sur la planète. Raréfaction des énergies fossiles, accélération du réchauffement climatique, diminution drastique de la biodiversité… tous ces aspects sont démontrés comme directement liés à l’activité humaine par la communauté scientifique internationale, toutes cultures et continents confondus.
La nature humaine, forte de son expérience des dernières décennies en matière d’innovation et de technologies, compte s’appuyer sur les techno-solutionnistes. Mais il est une réalité dont il faut tenir compte à l’échelle de cette même société : la mise à l’échelle et démocratisation des solutions innovantes, aussi performantes soient-elles, demande du temps et un investissement considérable. Par conséquent, il faut approcher la transition environnementale avec tous les outils à notre disposition… et la sobriété en fait partie !
Pour développer davantage de sobriété dans les flux logistiques d’une société habituée à la surconsommation et la rapidité d’exécution, il s’agit de réfléchir à mettre en œuvre une transition des pratiques sans impact négatif sur l'emploi ou la qualité de vie, au risque d’un rejet par l’ensemble des consommateurs et une crise économique en profondeur liée aux pertes d’emploi et de pouvoir d’achat.
Plusieurs approches peuvent être explorées et sont déjà mises en œuvre par un certain nombre d’acteurs, industriels, distributeurs ou logisticiens, qui gagneraient à être davantage répandues et utilisées par l’ensemble des acteurs de nos Supply Chain. Car ces solutions impliquent pour beaucoup une collaboration en proximité avec les partenaires d’une même chaîne, ainsi qu’une évolution de l’offre de service.
Optimisation des itinéraires et consolidation des expéditions :
Les entreprises peuvent travailler sur l'optimisation des itinéraires de livraison pour réduire les kilomètres parcourus. En consolidant les expéditions, les véhicules sont mieux utilisés, réduisant ainsi les émissions de carbone tout en maintenant l'efficacité logistique. En revanche, cela implique d’accepter de ne pas tout livrer « immédiatement » sous des délais comparables à de l’express.
Logistique collaborative :
Encourager la collaboration entre différentes parties prenantes permet le partage des ressources logistiques, réduisant ainsi le nombre de véhicules sur les routes et minimisant l'impact environnemental. Cela améliore les taux de chargement mais également les ressources utilisées à produire des équipements dédiés à chaque acteur économique. Cela rejoint aussi les logiques de leasing et autres évolutions de prestations par des industriels qui peuvent alors assurer une meilleure longévité et entretien des équipements (ex. : location d’un parc de véhicules professionnels, toutes charges comprises).
Utilisation de modes de transport durables :
Privilégier des modes de transport plus respectueux de l'environnement tels que le transport ferroviaire, le transport maritime et le transport fluvial peut contribuer à réduire l'empreinte carbone des flux logistiques. Cela signifie une réorganisation des flux, parfois des aménagements horaires ou une évolution des conditions de réalisation de l’offre de service.
Emballages durables et réutilisables :
L’emballage a longtemps été considéré comme un élément annexe du produit fini. Mettre en place et exploiter des emballages durables et réutilisables peut réduire la quantité de déchets générés par la logistique tout en contribuant à une approche plus circulaire. Cela permet aussi de construire une relation de partenariat plus forte avec tous les acteurs de la chaîne pour récupérer et valoriser ces emballages, non plus en tant que déchets ni consommables mais comme des équipements à part entière des flux logistiques (ex. : palettes).
Formation et sensibilisation professionnelle :
Les entreprises doivent investir dans la formation de leur personnel pour s'adapter aux nouvelles pratiques logistiques durables. Qu’il s’agisse de réorganisation des pratiques, d’évolution des modes de transport ou d’utilisation de nouveaux matériaux et technologies, il devient évident que les opérateurs comme leurs managers requièrent des compétences liées à la logistique verte, à la gestion des déchets et à l'utilisation de nouveaux équipements.
Les technologies dites « intelligentes » :
L'adoption de technologies intelligentes, telles que l'Internet des objets (IoT), l'intelligence artificielle et la blockchain, peut permettre une gestion plus efficace des flux logistiques, réduisant ainsi les gaspillages et les inefficacités. Cependant, il faut être prudent à définir un objectif de sobriété derrière ces solutions qui encouragent alors à faire toujours plus, au nom d’une optimisation démontrée des flux existants. Il devient alors essentiel de revenir aux approches précédemment évoquées pour ne pas développer « plus de flux » mais bien optimiser, mutualiser et économiser les ressources.
Éducation et sensibilisation :
Pour que la sobriété fonctionne et s’installe comme une véritable solution globale sans préjudice sur le fonctionnement de société, les entreprises (et autorités publiques) se doivent également de sensibiliser les consommateurs et dirigeants d’entreprises aux impacts environnementaux de la logistique. Il s’agit d’encourager des comportements de consommation plus responsables, pour relativiser valeur immédiate d’un produit (et qualité, production locale, protection des emplois), avec sa durabilité comparative. Cela peut jouer un rôle crucial dans la réduction de la dépendance à la consommation car les individus ont tendance à accumuler de plus en plus de produits et articles de consommation (sentiment de propriété et de valorisation individuelle) tout en sacrifiant leur alimentation au quotidien (consommation immédiate donc rapport au prix plus immédiate et moins comparative en termes de « qualité »).
Il est important de souligner que la transition vers une société (logistique) plus sobre ne doit pas nécessairement entraîner des pertes d'emploi. Au contraire, elle peut créer de nouvelles opportunités d'emploi dans des secteurs tels que la gestion durable des chaînes d'approvisionnement, la maintenance de technologies vertes, et le développement de solutions innovantes pour une logistique plus responsable. Une approche holistique et collaborative est essentielle pour atteindre ces objectifs sans compromettre la qualité de vie ou l'emploi. L’énergie mécanique, notamment humaine (ex. : conducteurs de vélo-cargos, avec ou sans assistance électrique) devrait être considérée comme vertueuse et non une diminution d’efficacité ou de rendement…
3. Perspectives pour la logistique
La sobriété logistique implique une approche holistique et fondamentale de notre société en cherchant à réduire la consommation globale de ressources et d'énergie dans les processus industriels et de distribution, tout en gardant en tête l’impact global des flux sur les chaînes d’approvisionnement.
Comme pour beaucoup d’améliorations dans nos Supply Chain modernes, les acteurs de la logistique mènent déjà un certain nombre d’actions sur leur périmètre et sur leur palette d’offre de services, mais ils doivent désormais se tourner vers tous leurs partenaires et donneurs d’ordre pour trouver « l’effet levier ». Une accélération de l’impact de sobriété et une amélioration significative de la mobilité des marchandises comme des personnes en disposant d’une meilleure connaissance des données, et d’une meilleure maîtrise des équipements disponibles en regard des besoins à servir.
Cela implique d’encourager une réduction globale de la demande, en favorisant des modes de consommation plus durables et en éduquant les consommateurs sur la nécessité de réduire la surconsommation. Cette action se situe bien en amont des flux logistiques puisque cela implique des actions de communication et sensibilisation à grande échelle.
Pour la reconsidération des besoins de transport ; les flux de matières premières, produits semi-finis et finis doivent être examinés de manière critique pour réévaluer la nécessité de les déplacer sur de longues distances. En encourageant une production et une consommation plus locales, il devient possible de réduire la dépendance aux transports à grande échelle, ou la surutilisation de transports aux énergies carbonées.
Les professionnels de la logistiques doivent étudier et concevoir des systèmes qui nécessitent moins d'énergie pour fonctionner, en minimisant les étapes intermédiaires, les manipulations et les besoins de stockage. Ils doivent également encourager des pratiques logistiques qui s'inscrivent dans une économie circulaire, en favorisant la réutilisation, la réparation et le recyclage plutôt que l'élimination. Cela concerne également l'utilisation et la diminution d'emballages inutiles pour favoriser des emballages réduits à leur plus simple expression et générer moins de déchets.
A l’instar des publications récentes par les plus grands groupes et associations professionnelles du secteur logistique, ces derniers insistent aussi beaucoup sur le besoin de collaboration entre les acteurs de la chaîne d’approvisionnement, les gouvernements, les entreprises et les consommateurs pour repenser et simplifier les processus logistiques. La sensibiliser de les acteurs de la chaîne logistique, y compris les entreprises et les consommateurs, à la nécessité d'une approche sobre en ressources et en énergie passe par une acceptation collective d’un certain nombre de changements dans les usages.
Intégrer la sobriété logistique nécessite un changement de mentalité et des ajustements profonds dans la façon dont nous concevons et gérons actuellement nos systèmes logistiques. Cela va au-delà des alternatives technologiques pour remettre en question les modèles de consommation et les pratiques traditionnelles, favorisant des solutions plus simples, efficaces et respectueuses de l'environnement. Les démarches RSE des acteurs du transport et de la logistique peuvent aller dans ce sens, en s’appuyant structurellement sur de nouveaux canaux de discussions, une réévaluation de l’offre de service et des choix d’équipements ou technologie de façon réfléchie et à long terme.
Etant donné la complexité de notre société, et ses interdépendances très fortes avec le reste du monde grâce à la globalisation, il y a donc encore beaucoup à faire également au niveau politique en termes d’engagement, de rigueur mais aussi de simplification sur les règlementations devant contraindre tous les acteurs économiques à jouer avec les mêmes règles du marché… à l’instar de l'actuelle crise du monde agricole au niveau européen.
Définitions
Leasing : le crédit-bail ou leasing est un mode particulier de financement des investissements. Dans le cadre d'un crédit-bail, une société financière met un bien d'équipement à la disposition d'une entreprise pour une période déterminée, contre paiement d'une redevance périodique et d'un premier loyer souvent majoré.
Sources
- Publication France Logistique – Plan de sobriété 2022
- Publication L’institut – L’empreinte spatiale de la logistique au défi de la sobriété foncière
- Publication Plateformes – La sobriété énergétique des entrepôts
- Publication Challenges – Quand sobriété rime avec verticalité
- Publication Supply Chain magazine – FM logistic lance un plan mondial de sobriété énergétique