La mobilité hydrogène, ou comment relever le défi de la décarbonation des transports pour 2030
Comment l’Europe et ses états membres se mobilisent massivement pour accélérer la conversion vers la mobilité hydrogène ?
L’hydrogène a pris une importance de choix dans le débat pour la transition énergétique et ce, jusque dans la presse généraliste, qui l’a qualifié de « nouvel eldorado de la politique énergétique française » [1]. Sans émission de polluant ni de particule, ce vecteur d’énergie permettrait de verdir certains secteurs comme l’industrie ou la mobilité lourde. L’hydrogène « propre » se présente donc comme un pilier pour la réindustrialisation en France et en Europe. Il participerait à la réduction de 27% des émissions mondiales de CO2 dues aux transports, soit 8 258 millions de tonnes au total [2]. Aussi, le 8 juillet 2020, la Commission Européenne s’est fixée pour objectif de porter l'hydrogène à 12 ou 14 % du mix énergétique au milieu du siècle [3] dans le cadre de la neutralité climatique. Il constituerait aussi le chainon manquant pour atteindre l’objectif fixé dans le cadre énergie-climat d’au moins 27 % d’énergies renouvelables dans la consommation de l’UE en 2030. Ces ambitions sont complétées par la volonté de décarboner des secteurs comme les transports à la même date. Un investissement sans précédent est nécessaire pour cette montée en puissance de l’hydrogène, que la Commission estime entre 180 et 470 milliards d'euros d'ici à 2050. Dans le sillage de ces annonces, les États membres l’ont aussi mis en tête de leurs priorités d'investissement dans le cadre de la relance économique post-Covid-19. En France, le plan d’action pour développer l’hydrogène vert en France est doté de 7,2 milliards jusqu’à 2030 [4].
De quelle manière l'hydrogène peut-il jouer un rôle dans l'atténuation du changement climatique ? Quelles solutions existent dès à présent pour la mobilité hydrogène ?
Le véhicule hydrogène en pratique
LE VEHICULE :
La charge utile du véhicule hydrogène est identique au gazole [5] et son autonomie est dans le même ordre de grandeur que le gazole et le GNV. Quant aux réservoirs, ils sont en fibre de carbone et acier, sont soumis à des tests rigoureux et munis d’une soupape de sécurité. L’assurance du véhicule est au même tarif que celle des véhicules électriques à batteries.
LA CONDUITE :
A l'instar d'un véhicule électrique à batteries, la boîte à vitesses est automatique et de fortes accélérations dues au couple maximal sont possibles dès le démarrage.
LA MAINTENANCE :
Un carnet d’entretien précise en détail les maintenances à effectuer sur le véhicule et leur périodicité. Le véhicule à hydrogène nécessite peu de maintenance, en revanche la main d'oeuvre qui intervient doit être plus qualifiée.
LE RAVITAILLEMENT :
La borne de recharge fait le lien entre le véhicule et la station selon un protocole simple :
- Branchement du véhicule à la terre (optionnel),
- Connexion et verrouillage de la vanne de distribution sur l’embout du réservoir,
- Lancement de la séquence automatique.
Pour les véhicules utilitaires légers, chaque réservoir est garanti sur 5 500 opérations de remplissage.
LE PRIX DE L’HYDROGENE :
Le dernier chiffre, datant de 2019, concernant l'hydrogène produit par électrolyse, établit un coût variable entre 2.5 et 6€/kg en fonction des infrastructures retenues et de leurs performances[6]. Pour autant, un consensus s’est établi autour de 3.5 à 5€/kg. À moyen terme, le prix se situerait entre 5 à 7€/100km selon les estimations du projet HyFrance3 pour 2050.
Pour rappel, en 2019, le prix était de 5,5€/100km pour le gaz et 8,5€/km pour le diesel [7]
Quant à la taxe carbone (regroupant TICGN, TICPE, TICC), elle ne sera pas imputable à l’hydrogène. [8]
L'INFRASTRUCTURE :
Il n’est pas obligatoire de posséder des unités de production (électrolyseur) et de stockage (station). Le coût d’achat d’un électrolyseur est bien trop élevé pour être rentable en 2021.
En théorie, une installation stockant moins d’une tonne de gaz doit uniquement être déclarée à la préfecture. En pratique, la DREAL peut demander une analyse préliminaire des risques pour s’assurer de la sécurité de l’installation.
Le stockage d’un véhicule hydrogène ne peut se faire sur un site public, il est conseillé de le faire dans un lieu aéré (se référer à la réglementation ATEX). À titre d’exemple, les pompiers utilisent les mêmes protocoles que pour le GNV en cas d’incendie.
Source : ademe
Focus sur la formation conduite du véhicule hydrogène : est-ce que la rupture technologique s’accompagne d’une rupture d’usage ?
Etant donné que la filière en est à ses débuts, il n’existe pas encore de formation conduite au niveau national. D’ailleurs, la nature inflammable de l’hydrogène le classe dans la règlementation européenne ATEX, et plus précisément dans le groupe IIC. A titre d’exemple, le méthane contenu dans le GNV appartient au groupe I de cette même réglementation.
Pour le moment, ce sont les constructeurs qui fournissent la formation à la suite de l’achat d‘un véhicule. De plus, les véhicules sont pensés pour limiter les changements de comportements avec une utilisation facile, comme expliqué par Jean-Christophe Hoguet, Directeur commercial chez SAFRA, pionnier dans le bus hydrogène :
« La formation conducteur est directement effectuée par SAFRA. Comme un véhicule hydrogène à une motorisation électrique, elle est surtout centrée autour de l’écoconduite, mais traite aussi la configuration du véhicule et l’hydrogène en lui-même. […] Nous avons aussi monté une formation avec EVEER’HY’PÔLE sur la sensibilisation aux risques liés à l’hydrogène et la maintenance en zone ATEX pour les techniciens de maintenances chez les exploitants. »
Cet avis est partagé par C. Danton, Directeur marketing et communication chez Chereau, pionnier dans la semi-remorque hydrogène :
« L’utilisation du véhicule ne pose pas de problème, par exemple il suffit d’une paire de gants pour actionner le pistolet pendant le plein. Pour autant, une mise en main est nécessaire pour les utilisateurs, comme sur toute nouvelle technologie. […] La maintenance est aussi une question essentielle qui passera par de la formation. Nous prévoyons dès à présent d’avoir des points services référents dans les régions, puis de déployer ce système via l’intégration de ces technologies dans les formations de nos mécaniciens et de nos employés. »
Erik Zilliox du GIP Campus Industries de Redon (Bretagne), participe à la préparation d’un projet d’envergure qui se construit autour de l’hydrogène. Cet écosystème complet couvrira les besoins locaux du puit à la roue, soit de la production via une méthanisation des déchets et le photovoltaïque pour alimenter l’électrolyseur à l’instauration de services publics tels que le ramassage scolaire ou la livraison en triporteurs.
« Lors de notre participation à différents projets énergétiques, nous avons observé l’ascension de l’importance de l’hydrogène au sein des institutions, du tissu économique breton mais aussi et surtout mondial. Outre l’aspect technologique, il y a un véritable défi industriel pour la France. […] Ce que nous proposons c’est de former les jeunes en licence professionnelle ou mastère en mettant en avant ces techniques existantes. »
Comment trouver de nouveaux financements en France et en Europe ?
Rejoindre le mouvement de la mobilité hydrogène permet de contribuer à développer une spécificité française performante, tout en bénéficiant des financements publics dont certains exemples sont présentés ci-dessous :
En France |
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Carte grise du véhicule |
Exonération partielle ou totale de la taxe régionale et de la taxe sur les véhicules de société. https://www.service-public.fr/professionnels-entreprises/vosdroits/F22203 |
Prime à la conversion |
6000€ maximum, soit 27 % du coût d'acquisition toutes taxes comprises du véhicule (VASP ou camionnette), elle est cumulable avec le Bonus écologique. |
Bonus écologique |
De 3000€ à l’achat d’un véhicule hydrogène, il est cumulable avec la Prime à la conversion. |
Suramortissement de véhicule |
Déduction supplémentaire du résultat fiscal entre 40 et 60% de la valeur du véhicule, pour les véhicules ayant un PTAC > 3,5 tonnes neufs. |
Bonus direct |
50 000€ pour l’achat d’un camion électrique/ hydrogène ou 30 000€ pour l’achat d’un autobus ou autocar, il est cumulable avec le dispositif de Suramortissement de véhicule. |
Financement et service bancaire Banque des territoires |
Soutient le développement de flottes de véhicules propres ainsi que l ’installation de points d’avitaillement en hydrogène pour véhicules. Le financement - via un investissement minoritaire au capital d’une société de projet à constituer - est possible pour les collectivités, les opérateurs d’énergie ou de transport ainsi que les développeurs de stations d’avitaillement hydrogène. https://www.banquedesterritoires.fr/investissement-pour-la-mobilite-hydrogene |
Appel à projets, action Accélérer le développement des écosystèmes d’innovation performants ADEME |
Exclusivement dédiée aux transports et à la mobilité durable, il cible les premiers déploiements de véhicules hydrogène dans des flottes professionnelles, pour le transport de personnes ou de marchandises. Le financement s’adresse aux entreprises - seules ou associées au sein d'un consortium - pour des projets de recherche et développement depuis les phases de recherche industrielle jusqu'à la démonstration. L’appel à projets se clôturera le 28 juin 2021 à 15h00. https://agirpourlatransition.ademe.fr/entreprises/dispositif-aide/20201013/ecosysh22020-165 |
Appel à manifestation d’intérêt TENMOD France Mobilités |
Accompagne les collectivités et les acteurs engagés dans des projets d’amélioration des mobilités dans les territoires peu denses et périurbains. Cet accompagnement prendra la forme d’un soutien financier mais également d’un appui technique à l’élaboration et mise en œuvre du projet. Les résultats de l’édition 2020 ont été publiés le 27 Octobre. |
En Europe |
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Crowdfunding Bpifrance |
Possibilité de mettre en avant son projet sur le site TousNosProjets.fr et de le faire financer auprès d’opérateurs de crowdfunding partenaires de Bpifrance. https://www.bpifrance.fr/Toutes-nos-solutions/Accompagnement/Mises-en-reseau/TousNosProjets.fr |
Appels à projets Clean Hydrogen Alliance |
Cette alliance européenne est ouverte à tous les acteurs ayant des activités dans le domaine de l'hydrogène vert ou à faible teneur en carbone. Des appels à projets financés sont régulièrement disponibles pour les membres de l’alliance. Pour adhérer à l'alliance, il suffit de signer la déclaration, l'engageant ainsi à respecter la vision commune de l'alliance et à contribuer à son travail opérationnel. |
Appels à projets France Hydrogène |
Dans le cadre d’un accord signé avec la Banque Européenne des investissements (BEI), les porteurs de projets de la mobilité hydrogène bénéficieront d’un accompagnement personnalisé via le système InnovFin de la BEI et de nouvelles sources de financement. L’officiel des transporteurs – N°3044 du 20 novembre 2020 |
Ces financements publics permettent ainsi d’amorcer l’arrivée de la mobilité hydrogène en abaissant le surplus des coûts dus aux prototypes ou petites séries. Jean-Christophe Hoguet, Directeur commercial chez Safra, est confiant à ce sujet :
« Les technologies progressent en France depuis maintenant 30 ans et la technologie est là. Ce qu’il faut maintenant, c’est inciter les porteurs de projets pour tendre vers une massification de la production qui permettra une baisse des coûts. L’économie d’échelle potentiellement réalisable devient plus claire en comparant la pile à combustible au moteur thermique. Bien que ce dernier soit bien plus complexe techniquement, sa production de masse baisse son prix autour de 10 000€ pour une voiture. »
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Les raisons de cette ferveur
Comprendre les enjeux reliés à l’hydrogène implique de savoir deux choses : d’une part l’hydrogène pur est peu exploitable à l’état naturel, et d’autre part il nécessite une source d’énergie pour le produire. Aussi, c’est un vecteur d’énergie comme l’électricité, et non pas une énergie primaire comme les énergies fossiles (gaz naturel, pétrole, charbon) ou les énergies renouvelables. Ainsi, il existe une multitude de techniques de production pour répondre à chacune de ses utilisations. Afin de différencier le type de composant initial ainsi que la source d’énergie primaire utilisée, l’hydrogène est doté de couleurs.
Aujourd’hui, l’hydrogène représente seulement 2 % de la demande mondiale d'énergie primaire et 70% de sa production est grise, contre 1% de verte. Il est encore principalement utilisé pour le raffinage du pétrole pour en éliminer le souffre, mais aussi dans de nombreux secteurs industriels. Il est d’ailleurs exploité comme réactif en chimie pour la fabrication de fibres textiles, mais aussi dans l’industrie du verre, l’électronique et la métallurgie. Enfin, il sert déjà de carburant pour des lanceurs spatiaux car il est particulièrement énergétique [11]. En effet, la combustion d’1 kg d'hydrogène libère environ trois fois plus d'énergie qu'1 kg d'essence, et ne produit que de l’eau [12].
Ainsi, l’hydrogène a un rôle à jouer dans la transition énergétique européenne durable voulue par la Commission européenne d’ici 2030. Avoir des électrolyseurs à grande capacité fonctionnant avec les charges électriques variables des énergies renouvelables est une première étape nécessaire en vue de l’intégration dans les systèmes énergétiques et d’une décarbonisation rentable. C’est pour cela que la Commission européenne s’est fixée l’objectif de produire 10 millions de tonnes d’hydrogène renouvelable sur l’ensemble du territoire d’ici 10 ans [13]. L’hydrogène permet de stocker efficacement les surplus d’énergie d’origine renouvelable pour une utilisation ultérieure, en complément des batteries électriques [14].
Outre sa capacité à rendre possible le stockage de l’énergie produite par des sources de nature intermittente, l’hydrogène offre une opportunité pour décarboner des secteurs polluants. Parce qu’il est très énergétique, il sera un allié de choix dans la transition énergétique européenne des transports lourds en remplacement des combustibles fossiles. Il permettrait d’atteindre l’objectif de réduction de 43 % de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 200510.
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L’élan pour l’hydrogène s’est accéléré depuis juillet 2020, soit depuis l’adoption d’un plan de développement de l'hydrogène propre par la Commission européenne [15]. Lors du déroulement de la première phase (2020 -2024), deux priorités sont retenues : installer des électrolyseurs produisant de l’hydrogène renouvelable pour décarboner la production d’hydrogène existante, et favoriser la consommation d’hydrogène par de nouvelles applications finales telles que les transports routiers lourds2. En France, cela se traduit dans le plan de déploiement de l’hydrogène pour la transition énergétique par le soutien à des écosystèmes territoriaux de mobilité hydrogène avec l’ambition :
- de 5 000 véhicules utilitaires légers et 200 véhicules lourds (bus, camions, TER, bateaux) ainsi que la construction de 100 stations, alimentées en hydrogène produit localement à horizon 2023 ;
- de 20 000 à 50 000 véhicules utilitaires légers, 800 à 2000 véhicules lourds et 400 à 1000 stations à l’horizon 2028. [16]
Ce plan de déploiement français est possible car de nombreuses expérimentations de mobilité hydrogène ont ouvert la voie depuis plus de 5 ans. Témoignage de Claire Kieffer de la Communauté d’Agglomération Sarreguemines Confluences, où s’est déroulé le projet FaHyence depuis 2015. Précurseur, le projet comprenait une station financée pendant 3 ans par des subventions européennes (FCH-JU) et 10 véhicules Kangoo détenus par des locaux à Sarreguemines.
« Le projet n’était pas le fruit d’un déclic, mais plutôt l’évolution logique de discussions que nous avions sur l’hydrogène depuis 2010. L’objectif était de montrer que l’on peut implanter de l’hydrogène facilement : on a besoin de contrats d’eau et d'électricité verte, et de deux containeurs pour installer une station. […] L’hydrogène est intéressant car il permet une complémentarité avec l’électricité pour la mobilité véhicules légers urbains et le GNC pour poids lourds. »
Les financements associés au plan de déploiement ont déjà permis le lancement de plusieurs projets de mobilité hydrogène depuis l’année dernière, comme en atteste la liste ci-dessous de 10 projets en France et dans les pays limitrophes.
Les projets hydrogène lancés en France et dans les pays frontaliers d’ici 2022
PROJET |
LIEU |
ECHEANCE |
INFRASTRUCTURES |
VEHICULES |
HYBER |
Châteauroux |
Mi-2022 / fin 2022 |
1 électrolyseur, 1 station, |
6 bus, 60 VUL, 35 berlines |
Corridor H2 |
Espagne, France, Allemagne, Belgique et Pays-Bas |
|
12 stations |
|
HyPort |
Toulouse Blagnac |
Fin 2020 |
1 station |
5 bus, 50 VUL/VT |
DMSE |
Dijon |
Fin 2021 |
2 stations |
27 bus, 9 bennes à ordures, 15 VUL |
Cimenterie Vicat |
Montalieu |
Étude |
2 électrolyseurs |
10 camions |
Hyammed |
Fos-sur-Mer |
Début 2022 |
1 station |
8 camions 44t |
Waste to wheels |
Jumet |
Courant 2021 |
1 électrolyseur, 1 station, |
10 bus |
MHyRABEL |
Sancy, Audun-le-Roman |
Décembre 2019 |
1 électrolyseur, 1 station, |
3 VUL |
HYLIAS |
Port de Vannes |
Mars 2020 |
1 électrolyseur, 1 station, |
1 bateau de 200 personnes |
Projet Zero Emission Valley |
Région AURA |
Juin 2019 |
20 stations |
1000 véhicules |
Amaury Vaussanvin, Chef de projet sur DIJON METROPOLE SMART ENERGHY (DMSE) nous apporte son éclairage sur la gestion de projet, suite à son implication dans la vaste proposition DMSE pour la métropole de Dijon (cf. tableau ci-dessus). D’ici 2030, la flotte hydrogène représentera 175 bus (200 véhicules de transports en tout), 50 bennes à ordures et 250 véhicules légers.
« Nous avons choisi l’hydrogène parce que c’est la seule option qui réponde aux besoins de la métropole. Il nous permet d’avoir la souplesse et la réactivité nécessaires pour respecter les circuits et le nombres de tournées quotidiennes des bus et bennes à ordures sans faire un deuxième plein. Nous construisons un écosystème : il ne s’agit pas seulement d’une station, mais aussi des véhicules qui vont avec ainsi que le centre de maintenance. Ce projet financé permettra d’amortir les premières dépenses d'investissement de capital et nous avons configuré les stations pour qu’elles puissent s’adapter à un flux d’utilisateurs publics et privés important. Nous pensons aussi faire diminuer les coûts en s’associant avec d’autres villes pour les futurs achats d’équipements hydrogène. »
Frédéric Lefebvre travaille sur le projet Hylias qui vise la création d’un bateau hydrogène de 150 passagers ainsi que les infrastructures correspondantes (électrolyseur et station) pour 2023.
« Nous sommes sur un secteur plutôt nouveau pour l’hydrogène : jusqu’à présent assez terrestre, nous l’amenons à une marinisation. Pour un développement dans ce cadre, il ne faut pas oublier que le principal critère est un facteur humain, soit des personnes qui ont la volonté, la passion et l’envie de faire ensemble. Ainsi, la pédagogie autour de l’hydrogène me semble extrêmement importante pour démystifier les risques autour de la molécule. Pour ce faire, nous travaillons avec un groupement large d’associations de riverains et d’usagers pour communiquer sur la proposition et nous partagerons les premières données dans le cadre du projet. »
Un nouveau marché prêt à décoller
Lancé par les plans français et européens de grande envergure, le marché de la mobilité hydrogène est en plein essor. Les grands constructeurs mondiaux ont ainsi tous annoncé leurs projets de développement avec des lancements prévus entre 2020 et 2025 tant sur les véhicules particuliers que sur les flottes professionnelles13. Cette annonce est complétée par une collaboration entre constructeurs et pétroliers annoncée à la mi-décembre 2020 [17]. Baptisée H2accelerate, elle vise à synchroniser les investissements entre installateurs de stations et du réseau, ainsi que constructeurs sur une décennie pour que le marché du transport lourd soit viable. Les partenariats se font aussi entre géants européens de l’industrie, puisque Siemens Energy et Air Liquide ont indiqué le 8 février leur volonté de bâtir ensemble de grands projets européens autour de l’hydrogène. Cet élan soudain suit la déclaration fin novembre 2020 de la commissaire des Transports de l’UE qui a d’ailleurs avancé le chiffre de 100 000 poids lourds et 1 000 stations les accueillant d’ici 2030 [18].
D’ailleurs, le FCH JU - partenariat public-privé européen soutenant la recherche et le développement de l’hydrogène - avait pour objectif de développer d'ici 2020 un portefeuille de solutions propres, efficaces et abordables qui exploitent le potentiel de l'hydrogène. Il a dressé début 2019 des scenarii de développement des technologies nécessaires pour la construction massive de véhicules [19] :
Type de véhicule |
Scénario ambitieux |
Scénario activité habituelle |
Chariot élévateur |
2025 |
2040 |
Taxi |
2025 |
2030 |
Autobus |
2020 |
2025 |
Voiture moyenne |
2025 |
2047 |
Tram (et voie ferrée) |
2025 |
2030 |
Véhicule utilitaire |
2025 |
2030 |
Autobus |
2025 |
2035 |
Camion |
2030 |
2035 |
Fret aérien et maritime |
2037 |
2050 |
Petite voiture |
2030 |
2047 |
Aussi, vous trouverez ci-dessous un tableau reprenant les catégories de véhicules actuellement sur le marché. A noter qu’une nouvelle génération de véhicules hydrogène sera produite d’ici 2021, à l’instar de l’annonce Toyota pour son camion deuxième génération [20], ou encore l’équipe Gaussin du Paris Dakar avec le premier camion hydrogène 2022. [21]
SAFRA a agrandi sa ligne de bus électriques Businova en ajoutant une version hydrogène qui adapte l’architecture initiale du véhicule. Cela lui permet de n’avoir aucune émission pendant son fonctionnement avec une autonomie de plus de 350 kilomètres, le tout pour 15 minutes de recharge. Jean-Christophe Hoguet, directeur commercial, nous éclaire sur la vision de l’entreprise :
« Nous avons choisi de développer notre gamme propre sur l’hydrogène car l’avantage technologique est aujourd’hui une nécessité dans les transports. Cela permet aussi de répondre aux contraintes réglementaires vertes sur les bus qui s’appliquent dès cette année. Dans les énergies propres, l’hydrogène offre une plus grande facilité d’exploitation, soit jusqu’à 400km alors que l’autonomie batterie reste limitée à 250km. C’est donc un parfait candidat pour une exploitation urbaine, avec des pleins limités à 15 minutes. Enfin, la différence de prix reste limitée entre l’hydrogène et l’électrique. »
En parallèle, se développe une infrastructure de stations avec un objectif de 200 stations en 2022, 500 en 2024 et 1500 en 2030. La carte dynamique ci-dessous permet de voir quelles stations ont déjà été mises en place en France.
Le projet HyBer vise, d’ici 2023, la création d’un électrolyseur à grande capacité, et de deux stations hydrogène accompagnées d’une flotte composée d’une centaine de véhicules, dont 6 bus, 60 VUL et 30 véhicules particuliers. Dès 2024, le projet prévoit l’implantation d’une nouvelle station et l’agrandissement de la flotte de camions grâce à l’implication des exploitants locaux. Sébastien Toussaint, ingénieur projet au Syndicat Départemental d'Énergies de l'Indre nous explique les raisons de ce projet :
« Avec ce projet nous souhaitons créer un écosystème local, car s’il n’y a pas de station il ne peut pas y avoir de véhicule. Nous pensons que c’est en créant une station que les usages se développeront. Nous avons déjà identifié et prévu que 50% de la capacité de la station sera consommée par les transports en commun, le reste sera utilisé potentiellement par les camions et des usages particuliers. La difficulté réside dans l’incertitude de l’utilisation de l’hydrogène d’ici le début du projet, d’autant plus que cela dépend du prix de l’essence. »
Afin de mener à bien une transition énergétique nécessaire, l’Union européenne table sur une montée en puissance d’un hydrogène propre et décentralisé. Pour cela, elle a mis en place un plan ambitieux de développement d’ici 10 ans, permettant aussi de s’assurer une place de leader mondial dans ce domaine et une indépendance énergétique. Pour autant, les investissements dans la production d'hydrogène ne sauraient se substituer à l'adoption de trajectoires de transformation sectorielles adéquates vers la neutralité climatique. En effet, il serait déraisonnable de se contenter de modifier le type de motorisation des véhicules sans repenser les modes de déplacements, voire les modes d’organisation des entreprises de transport et même éventuellement les modèles économiques de celles-ci. En effet, l’évolution des habitudes de consommation et des attentes sociétales au regard de l’impact climatique ne sauraient être palliés uniquement par l’introduction de l’hydrogène. Nous aurons d’ailleurs l’occasion d’en explorer les ressorts internes dans le cadre du prochain dossier thématique consacré à la livraison urbaine.
Pour aller plus loin, un documentaire de 26 minutes sur la transition énergétique via l’hydrogène (disponible jusqu’au 05/05/2021) : https://www.arte.tv/fr/videos/092139-034-A/xenius-l-hydrogene-futur-de-la-transition-energetique/
[1] https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/09/27/l-hydrogene-nouvel-eldorado_6053802_3234.html?gclid=Cj0KCQiAhs79BRD0ARIsAC6XpaUiFWMZ5LNyiriIrteLBJBfpq-Q3IIkIENdL7NvUlLHcvWAmSrPxz8aApEbEALw_wcB
[2] https://www.iea.org/data-and-statistics?country=WORLD&fuel=CO2%20emissions&indicator=CO2BySector
[3] https://www.lesechos.fr/monde/europe/le-plan-de-bruxelles-pour-faire-decoller-lhydrogene-en-europe-1222344
[4] https://www.bpifrance.fr/A-la-une/Actualites/7-milliards-d-euros-consacres-a-l-hydrogene-d-ici-2030-50530#:~:text=L'Etat%20a%20annonc%C3%A9%20les,industrie%20ou%20la%20mobilit%C3%A9%20lourde.
[5] https://www.h2-mobile.fr/actus/bosch-camions-futur-besoin-hydrogene/
[6] https://www.afhypac.org/documents/tout-savoir/Fiche%203.2.1%20-%20Electrolyse%20de%20l%27eau%20rev%20Sept.%202019-2%20ThA.pdf
[7] https://www.automobile-magazine.fr/toute-l-actualite/article/24921-gaz-naturel-gnv-un-carburant-plus-propre-et-moins-cher#:~:text=Moins%20connu%2C%20le%20Gaz%20Naturel,Gaz%20Naturel%20V%C3%A9hicule%20(GNV).
[8] https://www.senat.fr/rap/r19-535-4/r19-535-4_mono.html#toc43
[10] https://about.bnef.com/blog/liebreich-separating-hype-from-hydrogen-part-one-the-supply-side/
[11] https://energies.airliquide.com/fr/mediatheque-planete-hydrogene/applications-lhydrogene#:~:text=L'hydrog%C3%A8ne%20est%20aussi%20un,carburant%20pour%20des%20lanceurs%20spatiaux.
[12] https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/enjeux-et-prospective/decryptages/energies-renouvelables/tout-savoir-lhydrogene
[13] https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/QANDA_20_1257
[14] https://www.iddri.org/fr/publications-et-evenements/billet-de-blog/plan-hydrogene-en-europe-les-conditions-du-succes
[15] https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52020DC0301&rid=1
[16] https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Plan_deploiement_hydrogene.pdf
[17] https://media.daimler.fr/hydogene--h2accelerate-collaboration-constructeurspetroliers-pour-son-developpement-europeen/
[18] https://www.decisionatelier.com/Hydrogen-Europe-table-sur-100-000-camions-a-hydrogene-mis-a-la-route,14950
[19] https://www.fch.europa.eu/sites/default/files/Hydrogen%20Roadmap%20Europe_Report.pdf
[20] https://trm24.fr/toyota-devoile-son-camion-a-pile-a-hydrogene-de-seconde-generation/
[21] https://www.franceroutes.fr/actualites/dakar-gaussin-engagera-un-camion-hydrogene-des-2022/